Extrait du journal

En apprenant ce voyage du roi de Saxe à Berlin les défenseurs de la royauté, ceux qui la croient encore d'institution divine, éprouveront sans doute la plus cruelle des désillusions. Voilà, en effet, un souverain dépossédé d’une partie de son autorité, ayant une garnison étrangère dans sa propre capitale et dans ses forteresses, qui, après avoir payé une énorme contribution de guerre, va se rendre humblement auprès de son vainqueur, du l’homme qui l’appelle « Monsieur mon frère, » et le réduit au rôle de simple préfet. Ou ce voyage est imposé au roi de Saxe, ou bien il est volontaire. Dans le premier cas, sa souveraineté est simplement nominale ; il conserve le titre de roi sans en avoir ni les attributions ni l’indépendance. C’est l’abaissement de la dignité royale, l’avilissement, la négation la plus humiliante de ce principe de la légitimité consacré avec tint de bruit par la réaction triomphante en 1815 de la révolution de 1789. Le roi de Saxe ira à Berlin parer le char du triomphateur ; M. de Bismark le montrera aux sujets de Guillaume comme on a montré les canons et les drapeaux pris aux Autrichiens. Ce monarque légitime ne sera plus qu’une curiosité vivante , une décoration, un figurant de théâtre....