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Le Siècle, 7 novembre 1884

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Le Siècle
7 novembre 1884


Extrait du journal

Décidément l'heure de l'union et de la discipline n'a pas encore sonné. Nous lisons bien chaque jour de généreux appels à la concorde. Chaque groupe croise ses bras et fait le petit saint, mais tous ces blocs enfarinés ne disent rien qui vaille et, comme l'indique avec rai son un de nos confrères, « au lieu d'ëpiloguer sur l'union et la discipline », il serait beaucoup plus sage à chacun « de dire franchement quelles sont ses idées de derrière la tête. » Chacun, en effet, a ses pensées de der rière la tête. Si chacun veut le triomphe du parti républicain et des idées de gou vernement, chacun est convaincu que son groupe représente l'élite du parti. « Mes petits sont tous beaux, bien faits. Ils sontious nés pour être capitaines, colonels et généraux. Ceux du voisin sont tout au plus bons pour être des soldats. L'union peut d'ailleurs se faire entre capitaines et soldats. Vous obéi rez, nous commanderons ! » La chose est simple assurément et il faudrait que le voisin lut un homme bien intéressé, bien ambitieux, bien personnel pour ne pas se contenter d'être soldat à ce prix. Non, l'heure n'a pas sonné, et peutêtre faut-il encore quelques leçons sé vères pour que la concorde s'impose. Il y en a trop qui la réclament et trop peu qui sont disposés à la pratiquer. Le public, « qui n'est pas tenu de connaître le dessous des cartes », ne peut pas savoir, par exemple, que tel groupe par lementaire et gouvernemental possède plusieurs journaux et tient un langage différent dans chacun d'eux. Dans l'or gane grave, le groupe prêche l'union et la discipline. Dans l'organe léger, dans le journal de tirailleurs, il la repousse avec la dernière énergie. Dans le jour nal officiel du parti on veut la Ré publique ouverte à tous les hommes de bonne volonté, et l'on ajoute avec belle humeur : « Ce seront les élec teurs' qui' choisiront ». Mais dans le journal officieux on dit aux électeurs : « L'union, ce serait une duperie ; hors de notre groupe, il n'y a que des envieux, des ratés, des anciens ministres qui tripotent, des financiers véreux, des consuls généraux manqués; gardonsnous bien de faire entrer au Sénat ou à la Chambre des républicains pa reils. » Eh bien ! nous sommes peut-être des esprits chagrins et soupçonneux, mais prêcher dans un journal l'union à des gens qu'on fait éreinter dans vin autre, cela nous désoriente. Le procédé est sans doute fort habile, nous doutons qu'il soit le fait de personnes bien dési reuses de voir régner l'union et la dis cipline. Heureusement nous n'en sommes pas à un jour près, et l'on peut encore attendre. Nous ne désespérons pas de convertir à une sincère pensée d'union les plus rebelles et les plus endurcis. Il n'est pas possible que des républicains qui ont combattu pendant des années les uns à côté des autres, qui ont partagé...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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