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Le Siècle, 14 avril 1889

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Le Siècle
14 avril 1889


Extrait du journal

A PROPOS D'UN CENTENAIRE Il est probable que le centenaire glorieux au quel Paris, malade de politique, n'aura pas fait les funérailles qu'il lui devait, n'avait que quel ques idées vagues sur notre monde moderne. Tout homme ne comprend guère que les hommes et les choses du temps où ses impressions sont le plus vives, c'est-à-dire du temps de son enfance et de sa jeunesse. Lui, qui était un vieux philosophe et qui avait vu défiler devant lui plusieurs générations ani mées d'un esprit tout différent, il aurait pu nous juger d'amusante façon. Si la décrépitude n'avait pas atrophié ses facultés de penseur, j'imagine qu'il aurait bien ri de nous, le jour où l'on le félir cita officiellement d'avoir vécu cent ans. Il eût sans doute profondément méprisé une génération qui fêtait en lui non le savant, mais le macrobite. Car son enfance s'écoula pendant une période où les Français tenaient la vie humaine en très médiocre estime. Sa vieillesse, au contraire, s'a cheva en un temps où la vie humaine est cotée très haut, plus haut peut-être qu'elle ne le mérite. , Au moment où la France s'apprête à célébrer le centenaire de la fin du siècle dernier, il serait fort intéressant de connaître la vérité sur les idées qu'avaient les Français, il y a cent ans, sur toutes choses. II est évident que les idées diffé-raient radicalement de celles qui hantent les cer veaux des Français d'aujourd'hui. En vérité, nulle de ces routines intellectuelles qui s'intitulent des sciences ne me paraît aussi puérile que l'Histoire, qui prétend juger les hom mes et les choses d'Hier avec les idées d'Aujour d'hui, que Demain effacera. La vieille Clio, qui remplit les fonctions de muse de l'histoire, est la mentable quand elle veut revoir avec sps yeux lassés et ses besicles les jouets qui firent jadis la joie de ses yeux de fillette. Si nous feuilletons de vieilles gravures de mo des, nous les trouvons ridicules. Elles étaient peut-être charmantes, ces modes. Nous devrions nous reconnaître impuissants à les juger, car nous n'avons pas les yeux de ceux qui les ont portées. Or, au sort des modes est essentiellement lié celui des idées et des coutumes. Mais les hommes ne veulent pas convenir que leurs conceptions sont les jouets des temps et des événements. Ils ont la prétention dé juger le passé avec leurs présentes manières ds voir, f Aussi ceux d'aujourd'hui s'indignent-ils souvent de faits qui semblaient tout simples aux contem porains. • * Ceux d'aujourd'hui, qui firent fête à la longé vité d'un vieillard, ont un respect peut-être ex cessif pour la vie des individus. Difficilement ils pourraient admettre qu'il fut des temps où l'on la tenait soit en indifférence, soit en mépris, A l'époque de la jeunesse de Chevreul, on n'ac cordait qu'une médiocre importance à l'existence \ des individus. Sous la Terreur, quand fonctionne \ la guillotine, tout le monde trouve fort naturel ce...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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