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Le Siècle, 18 mars 1840

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Le Siècle
18 mars 1840


Extrait du journal

I —i Chacun aura pour arme ses pistolets, continua le comte; un pareil duel n'a pas besoin de témoins. Nous nous placerons à trois pas l'un de l'autre et nous ferons feu en même temps... — Mais vous périrez tous les deux! ces conditions sont horribles... £tes-vous chargé d'en proposer de plus douces ? demanda Armand avec dédain ; il ne s'agit pas ici d'un duel à pVopos de quelque niaiserie de point d'honneur. Il faut que l'un de nous deux meure ce soir... Ditesle au capitaine de ma part. Vous m'avez entendu, et maintenant partez... Ce soir, au coucher du soleil. En même temps, le comte fit un geste comme pour donner congé à son interlocuteur. Mais Guichard resta à la même place, debout dans une atti tude humble et pensive. Armand le regarda fixement. — Eh bien, afez-vous quelque objection à faire à mes propositions ? Avez-vous quelque chose a dire... • , Guichard parut surmonter enfin les sentimens douloureux dont il était oppressé •" — J'ai à vous dire, s'écria-t-il, que ce duel est -impossible ; j'ai à vous dire, monsieur le comte, que vous ne pouvez vous battre avec un généreux jeune homme dont vous ayez été l'ami et presque le frère, que vous ne pouvez risquer de plonger ainsi dans le deuil toute une paisible famille, qui vousa acceuilli avec tant de confiance et d'affection... — Et qui ètes-vous, l'ami j dit le comte en toisant le garde d'un air de mépris, vous qui venez ainsi me donner des conseils sans en avoir été prie ? Je sais que le capitaine, qui est brave, ne peut vous avoir confié une pareille mission. Qui êtes-vous donc pour vous établir ainsi, de votre autorité privée, juge d'une querelle dont les deux champions ne sont pas et ne peuvent être vos égaux ?... / Guichard reçut cette injure avec une résignation qui n'était pas dans son caractère. —Vous avez raison, monsieur le comte, répondit-il, je suis bien peu de chose, et cependant quelque misérable que soit ma condition dans ce pays, j'avais cru jusqu'ici que j'avais le droit d'y marcher la tête haute parce que j'étais un honnête homme et que j'avais une conscience sans reproche, mais depuis bien peu de temps je sais que cela ne suffit pas pour avoir le droit d'être fier, Et cependant monsieur Armand de Blangy, vous ne pou vez accorder trop de confiance à mes paroles quand je vous dis que votre duel avec le capitaine est impossible! vous ne pouvez comprendre quelle autorité mystérieuse me donnent des révélations tputes récentes... — Vous allez encore, comme toujours, me parler par énigmes, inter rompit Armand; écoutez, M. le garde-champêtre, depuis que je vous ai vu pour la première fois, vous vous êtes attaché à moi, je ne sais dans quel but secret, laissant tomber sans cesse en ma présence des mots de révélation, de secret... Il serait temps enfin de me dire ce qu'il y a de commun entre vous et moi. Si, comme vous le dites, vous avez découvert depuis peu quelque secret qui me concerne, parlez sans crainte et sans détours. Que me voulez-vous ? que savez-vous?... — Je sais, murmura Guichard d'une voix faible et entrecoupée, j« sais...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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