Extrait du journal

^ ^ Les journaux reproduisent tous un jugement rendu à la première chambre par le président Séré de Rivières, celui qu'on appelle le bon juge » parce qu'il paraît moins féroce que les autres... Féroce ? En tendons-nous. Les autres juges ne sont pas en réa lité féroces, mais ils sont, pour la plu part, pour la très plupart, de braves gens très humains qui appliquent reli gieusement un code féroce, dont la fé rocité leur échappe parce qu'ils ont tou jours cohabité avec luiC'est par une opération cérébrale ana logue que les enfants des tigres trou vent leurs père et mère remplis de man suétude. Donc le président Séré de Rivières, le bon juge » a condamné un employé de commerce à payer une pension de ioo francs par mois à une servante dont il avait eu deux enfants, et ce jusqu'à ce que ces enfants aient atteint l'âge de dix-huit ans ; plus une somme de 1.260 francs pour frais de mois de nourrice. Le jugement constate que ladite ser vante était d'une fidélité exemplaire en vers son peu généreux amant et qu'en outre elle a subi, à la suite de ses cou ches, des privations qui paraissent l'avoir rendue tuberculeuse. Le '<( bon juge » s'excuse par des at tendus appropriés d'avoir eu l'air de re chercher la paternité, ce qui est interdit par le code et fait remarquer, pour sa décharge, que, si,en vertu de l'article 340 du code civil, la mère ne peut rien pour ses enfants,rien ne l'empêche d'agir pour elle-même. Je trouve que le '<< bon juge » en s'excusant, et surtout les journaux, en ^extasiant devant l'audace de ce jugeIment, font la critique la plus sanglante qu'il soit possible de rêver de notre état social. Le « lion juge v» aurait dû se con tenter de cingler de quelques épithètes peu flatteuses l'employé de commerce qui refusait d'assister une pauvre fille après l'avoir rendue deux fois mère ; et les journaux, s'ils n'appartenaient pas à une nation barbare auraient dû trouver tout naturel un pareil jugement. C'est à croire vraiment que le code a été perpétré par des chenapans pour des chenapans. Les juges qui l'appliquent tantôt n'osent pas saler à outrance de misérables marchands qui falsifient les denrées alimentaires et condamnent à 50 francs d'amende un voleur de laitier qui a peut-être tué des centaines de nour rissons en ■ mettant 84- pour. 100 d'eau dans son lait ; et tantôt ils'en bont ré. duits à considérer comme un acte de cou...