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Le Soleil, 3 juillet 1896

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Le Soleil
3 juillet 1896


Extrait du journal

AU JOUR LE JOUR RAPIDES Est-ce le cyclisme qui nous vaut cela? Voitu res, chemins de fer se piquent à l’envi de déeupler leur vitesse, voulant ainsi répondre au besoin général qui est de dévorer l'espace. Jadis, on aimait voyager tranquillement, de façon A regarder le ,>ays traversé, A causer sur les beautés de celui-ci avec le conducteur de dili gence ou un voisin de route. Aujourd'hui, ce à quoi l’on tient, c'est à parcourir le plus rapide meut possible la distance qui vous sépare de l’endroit où Vous voulez planter votre tente. (Jncl est le meilleur desdeux modes de voyage? Après tout, l'un et l’autre ont leurs avantages; mais, comme il faut être de son temps, ne pleu rons pas le premier et réjouissons-nous du se cond, savourons-cn sans réserve les plaisirs. Ils sont très grands. C’est ainsi que pour ne parler que de Paris, grâce aux progrès réalisés dans ccs dernières années par les chemins de fer, on peut trouver la mer en quatre heures, la montagne en six heures. Et il viendra un moment, prochain, où après avoir quitté son domicile dans la capitale, entre huit et neuf heures, bien avant midi il sera possible de pêcher des crevettes ou de se baigner dans la Manche. La mer est à deux heures de Paris, quand on voudra ! En tout progrès il ne s’agit que de vouloir. Voici, comme prouve, la Compagnie d’Orléans qui nous offre maintenant un rapide faisant le trajet de Paris il liordeaux en moins de huit heures : 600 kilomètres I C’est ee qui s’appelle une réelle amélioration, un record auquel on ne doit pas ménager les éloges et qu’il convient de faire connaître. Si nous nous plaignons trop souvent de l'installation de nos chemins de fer, des retards dans les trains, de la longueur de la route et de quelques autres abus dus il nos ten dresses pour la routine, il ne faut pas ménager nos félicit liions quand une compagnie nous procure une innovation utile, une commodité de plus. Or, huit heures pour gagner ccttc grande et belle capitale du Sud-Ouest, c’est la réalisa lion d’un rêve. Bordeaux, c’est déjà le pays du soleil, c’est la terre des grands crus I A deux pas on aperçoit les Pyrénées qui se profilent à l'Iiorixon; tout près l’Océan baigne le littoral, et dans les forêts de Pignadas chante la cigale, la cigale aimée de Paul Arène. Le matin, en un mot, on peut déjeuner sur le boulevard des Ita liens, et dîner le soir au Chapon-Fin. Cela sans fatigue, comme en une partie de plaisir. Ali ! ce rapide de Paris à Bordeaux, il peut supporter la comparaison avec la diligence. Le relui avait son charme, avec les repas dans les bons hôtels des localités où l’on s’arrêtait. Mais, le déjeuner en wagon, autour de coquettes ta blés élégamment servies, des voisins du bonne mine, un paysage qui se déroule des deux côtés de la voie toute plantée d’arbustes ou tapissée de verdure dans les fonds, les silhouettes de villages, de leurs clochers qui apparaissent de distance en distance, on l’avouera, ce n’est pas distraction ù dédaigner. Grâce aux couloirs qui longent les wagons aussi, plus de privation pour les fumeurs, pour ceux qu’une position assise fatigue à la longue. Maintenant, un voya geur n’est plus un prisonnier, une chose: il peut se lever, marcher de long en large, savourer l'air sans incommoder les autres. Et encore, quelques-uns affirment que dans certains pays étrangers, très voisins de nous, l’installation des rapides comme des simples trains est hicn supérieure à celle des nôtres. C’est donc a 11 aire aux compagnies de réformer leur matériel et d accroître chaque jour davantage les aises du voyageur. Elles ont tout intérêt à entrer largement dans celte voie. Jamais le besoin de se déplacer n’a été aussi grand. En ce moment surtout, qui ne songe ù s’en aller, à voir les champs, à refaire ses poumons, à acquérir des forces et de la santé7 Si l'on hésite souvent ù se déplacer, A quitter son logis, à abandonner ses habitudes, c’est que les distances sont longues à parcourir pour trouver la vraie province, les petits coins solitaires encore. Puis, on a ses occupations qu'on ne peut abandonner. Oui, certes, s’il y avait des trains rapides qui \oua permissent de revenir vite, au premier signe, à la moindre affaire importante, on irait, pendant la belle saison, à quarante, à cent lieues de Paris. Tout compte fait, on reste quelquefois dans un 11acre autant de temps que pour aller en Norman die, dans les Vosges. Que de vrais rapides sc créent doue dans toutes les directions, l’été pour l’Auvergne, l'hiver pour le littoral de la Provence, et I on ne verra plus la Côte d'Azur, par exemple, accaparée par les Anglais, ces amants de la Méditerranée. En attendant, entre Bordeaux et Paris, il n'y a plus de distance, et désormais nous pourrons aller nous-mêmes...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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