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Le Soleil, 4 janvier 1894

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Le Soleil
4 janvier 1894


Extrait du journal

arbustes qui ont poussé là comme par enchantement et qui font au printemps, de cet amoncellement de ruines, l’une des plus curieuses de la capitale, ressemblent à des plantes mortes. C’est dans toute leur nudité que les murs sauvés de l’in cendie apparaissent, et rien no cache plus maintenant les fers tordus par le pétrole, les vestiges d’une ancienne splendeur conservés miraculeusement. Ainsi entrevue, surtout lorsque le soleil éclaire encore les perspectives de la Seine, la grande et lourde construction paraît sombre et lugubre. Mais voici que les brumes se répandent le long du grand fleuve; du côté du cou chant, la nue se colore ; insensiblement, le jour diminue. Du Nord, du Midi, des groupes d’oiseaux se dirigent vers l’an cien Conseil d’Etat. En quelques instants ils sont là des milliers qui s’efforcent de se caser sur les grandes tringles de fer, qui relient les murailles les unes aux autres. De loin cela fait l’effet de broches où des alouettes sont enfilées, prêtes à être placées sur la rôtissoire. L’an der nier j’avais déjà vu ce spectacle qui se reproduisait tous les jours, pendant la période des neiges, et j’avais cru qu’il n’était qu’accidentel; mais hier soir j’ai pu me convaincre que, tous les hivers, les ruines du Conseil d’Etat se transfor maient en asile de nuit. Seulement, ce no sont pas los moi neaux qui usent de ce refuge, mais les sansonnets chassés dos bois des environs de Paris, de la campagno, de la banlieue, où ils ne trouvent pas de local assez grand pour les loger tous ensemble. La concierge des ruines du Conseil d’Etat fournit volontiers des détails sur ce cas d’hospitalisation dû à l’initiative privée. « Cette année, m’a-t-elle dit, les sanson nets sont moins nombreux, mais il y eu a encore beaucoup. L’exactitude avec laquelle ils reviennent tous les soirs est extraordinaire. Les premiers arrivés se placent dans les trous, et ceux que vous avez vus en dehors sur les tringles sont les moins fortunés. Ils se serrent les uns contre les autres, sans doute pour se réchauffer ou offrir plus de résistance, car jamais, d’un bout à l’autre de ces perchoirs, ils ne laissent un vide, jusqu’au lendemain de très bonne heure ; bien avant l’aube, ils repartent dans toutes les directions et sachant bien où ils vont. Qui les a attirés ici? Nous n’on savons rien. En effet, on ne leur prépare aucune nourriture, et nous croyons que ce sont les pigeons qui les ont guidés dans ces parages. Ceux-ci ne se bornent pas tou jours à des promenades sur le quai d’Or say; ils poussent des pointes au loin, et là ils se seront liés avec les sansonnets. A partir du printemps, d’ailleurs, ils nous quittent jusqu’à l’automne; quelques cou ples seulement, plus précoces que les au tres, sont restés pendant les mois d’avril et de mai pour soigner leurs petits ou achever l’éclosion de leurs œufs. Mais ce sont là des exceptions. Les autres agis sent avec homogénéité et comme s’ils obéissaient à un commandement. « Souvent, lorsque nous faisons des ron des à travers les ruines, nous voyons des corps d’oiseaux tombés et qui ont fini là leur existence. » Et comme le vent du Nord soufflait avec force, qu’il tourbillonnait dans ces cours sinistres où quelques ouvriers taillaient dos pierres, la concierge, pou désireuse du continuer l’entretien,. me ferma sa porte au nez avant mémo que j'aie eu le temps de la remercier. Le fait est que ce monsieur qui s’in quiétait des sansonnets du quai d’Orsay avait dû lui paraître tout à fait privé de raison. La plupart des passants tournent bien la tête, et entichés de nos gavroches ailés, ils croient que tous ces oiseaux assemblés ne sont autres que do vulgai res moineaux. Qui pourrait songer aux sansonnets ou aux étourneaux? Le choix qu’ils ont fait de cet asile de nuit me laisse quelque peu perplexe. Et voyez donc...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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