Extrait du journal

MARIAGE MANQUÉ Les faits-divers des journaux racontent une petite histoire exotique, tout à fait originale. Un jeune Français, Parisien connu, s’en vient en Angleterre, pour s’unir, par légitimes liens du mariage, à une jeune Anglaise dont il s’était cru amoureux ; et ce n’est qu’au dernier moment qu’il s’aperçoit de son erreur. En fait d’amour, il ne ressentait rien, pas ça ! Et le voilà en route, vers les rives de France, le jour même où la cérémonie nuptiale devait avoir lieu. C’est alors que le frère de la fiancée déçue se jette sur les traces du fuyard et le rattrape, à Douvres, avant qu’il ait pu mettre les pieds sur le bateau de Calais ou de Boulogne. La loi anglaise ne plaisantant jamais en ces sortes de matières, le frère s’était fait accompagner d’un officier ministériel, — est-ce la dénomination anglaise? je l’ignore, — qui commence par inonder d’assignations le déserteur. Voilà pour la légalité. Pour le reste, le frère de la fiancée déçue s’est servi de ses poings et a si bien arrangé son futur beau-frère, que celui-ci s’est vu dans l’obligation de rester à Douvres pour y faire soigner ses ecchymoses. Il y est encore, et le papier timbré pleut, pa raît-il, dans sa chambre de convalescent. Et selon toute probabilité, et comme l’on dit, chez nous, dans le langage particulier de Paris, il se verra très prochainement dans l’obligation de casquer. La loi anglaise ne plaisante pas, en ces sortes de choses, sans s’être rendu compte, tou tefois, du parti qu’en peuvent tirer des filles adroites et habiles, dont la pudeur spécule sur les dommages et intérêts alloués par la justice aux jeunes personnes, et même aux personnes plus mûres, séduites ou trompées. En fait, et malgré des abus impossibles à pré venir, la loi anglaise est protectrice et ne permet pas aux don Juan, quels qu’ils soient, d'exercer impunément leur industrie. C’est tellement rai sonnable et juste, que l’on commence à en venir là chez nous, quand la preuve est faite de la mauvaise foi du prétendant. L’impunité mascu line a duré trop longtemps, et c’est avec une désinvolture rare, que des fats prétentieux usaient de la séduction. Une bonne volée, distri buée, sans marchandage, par un frère ou un parent très proche, pourrait faire réfléchir les séducteurs ; et la justice, intervenant après cela, mettrait les trompeurs de profession en assez mauvaise posture, même de ce côté-ci du détroit. Partout où il y a dommage causé et prémédité, il doit y avoir réparation. C’est la justice même et la morale qui veulent cela. Jean de Nivelle....