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Le Soleil, 7 février 1888

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Le Soleil
7 février 1888


Extrait du journal

tent, Certains journaux les aident, dans cette besogne d’assainissement, mais le Parlement fait la sourde oreille et laisse les choses en l’état. Il les a du moins laissées ainsi jusqu’à ce jour, malgré de nombreuses sollicitations. Mais voilà que M. LefèvrePontaiis le met en demeure, et il faudra bien qu’il se prononce pour le coup de balai. Je n’entends pas dire que des feuilles soient privées du droit de se vendre sur les boulevards et dans les rues de Paris; mais, ce qui est inadmis sible, ce sont les commentaires de ceux qui les vendent et qui, jouissant du droit de circulation, portent, sans conteste, un préjudice considérable aux marchands de journaux qui paient une redevance, un loyer môme, pour s’installer dans les kiosques et pour y offrir en vente des journaux. Il y a là évidemment un déni de justice, les locataires des kiosques étant assujettis à des frais que ne sup portent pas les marchands ambulants. Et la chose est d’autant plus inaccep table, inique, même, que lorsque les kiosques ont été autorisés, la vente am bulante des journaux sur la voie publi que était absolument interdite. Par conséquent, l’autorisation, ou plu tôt la tolérance, a porté préjudice à un grand nombre de commerçants précé demment autorisés, dont les affaires, de ce chef, ont été diminuées. Voilà pour la partie matérielle. On remarquera, en ou tre, que les brochures ou imprimés li cencieux ne sè vendent pas dans les kiosques, parce que le boniment leur est nécessaire. Le Parisien, au fait de toutes ces roueries, s’y laisse rarement pren dre, l’appât est tendu aux provinciaux et aux étrangers, et c’est ce qu’il y a de particulièrement fâcheux pour notre bon renom. Spéculateurs de scandales et in termédiaires sans pudeur, ceux-ci, d’ail leurs cent fois plus excusables, ont pro fité, depuis trop longtemps, d’une liberté qui n’est qu’une bien fâcheuse licence. Ce n’est pas la première fois qu’un tel abus est signalé ; jamais il n’y a été pris garde. La raison en était bien simple ; ce sont les journaux dits réactionnaires qui ont commencé la campagne, et qui ont les premiers signalé l’urgence d’une mesure sanitaire indispensable et fait appel à un peu plus de pudeur. Il n’y a pas à dire le contraire ; cela devient gênant partout, aussi bien sur les boulevards encombrés que dans les rues plus écartées et plus désertes. Ici, c'est même plus grave, parce que les cla meurs y sont mieux entendues, et peutêtre aussi parce que les braillards se gênent moins. La police n’est pas armée, disent les uns, pour faire cesser de tels scandales ; elle l’est suffisamment, disent les autres, mais le zèle des agents se re froidit devant l’audace des vendeurs. Il est vrai que, dans la plus récente loi sur la presse et sur les écrits périodiques, on ne trouverait pas la moindre restric tion au colportage, et que les députés qui l’ont votée, beaucoup par esprit de haine contre ce qui existait auparavant, n’entrevoyaient pas l’orgie de clameurs et de hurlements qui devait s’ensuivre. Mais, je ne vois pas bien comment les ttèvélations sur la baronne d’Ange, pour ne citer qu’un exemple, pourraient rentrer dans la catégorie des écrits périodiques. Voilà pourtant ce qui se hurle dans les rues de Paris, sans compter le reste, au nez et à la barbe de la police impitoya blement bravée, et dont les agents n’o sent pas prendre une initiative hardie, peu assurés qu’ils sont d'être soutenus dans une besogne cependant de plus en plus indispensable. Nous avons bien longtemps, à ce sujet, prêché dans le dé sert. La spéculation malsaine, vouée à l’insuccès fatal, sans ce secours honteux du boniment, a trop largement profité déjà de l’apathie législative et de la tolé rance administrative qui, en s’y prenant bien, suffirait à faire cesser un tel état de choses. Il est temps, cependant, qu’un tel état de choses cesse, et nous osons espérer que la louable initiative de M. Antonin Lcfôvre-Pontalis sera prise en considération. Elle ne consiste d'ailleurs qu’en ceci : refréner un excès qui va parfois jusqu’à l’ignominie et non sup primer la vente des journaux sur la voie publique. Tous ceux qui, dans la presse, ont souci de l’honneur de leur profes sion, applaudiraient à une atténuation nécessaire d’un mal qui va croissant, qui, depuis quelque temps, constitue, pour leurs écrits, une promiscuité honteuse et qui doit disparaître sous la condition formelle qu’une restriction aussi utile ne constitue pas un précédent à invoquer contre la liberté de la presse, qui n’a rien à voir avec ces ignominies imprimées. Jean de Nivelle;...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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