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Le Soleil, 13 mars 1883

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Le Soleil
13 mars 1883


Extrait du journal

La question de la démolition de l’en ceinte fortifiée de Paris est à l’ordre du jour. Une pétition demandant la démoli tion a été signée par un grand nombre de conseillers municipaux do Paris. Une proposition dans le môme sens a été faite par un groupe de députés. Enfin, la presse a recommencé à traiter ce sujet important. D’ici peu de temps peut-être, la ques tion sera discutée dans le Parlement. Il est bon de l’étudier dès à présent à un point de vue pratique. L’opinion des partisans de la suppres sion de l'enceinte peut se résumer en quelques mots : au point de vue mili taire, disent-ils, le mur d’enceinte est devenu inutile, P >ris étant suffisamment protégé par sa double ceinture do forts. Au point de vue économique, la suppres sion du mur d’enceinte aurait d’immenses avantages ; elle permettrait à Paris, qui actuellement étouffe dans les limites qui lui sont assignées, do déborder sur la campagne, comme l’a fait Londres. Sur les terrains laissés disponibles par la suppression do l’enceinte, on bâtirait des maisons ouvrières, des logements à bon marché. Ces constructions amèneraient, par l’effet do la concurrence, l’abaisse ment du prix des loyers dans l’intérieur do Paris. La question des loyers se trou verait ainsi résolue. Cos théories soulèvent de nombreuses objections. Examinons d’abord la question au point de vue militaire. Les forts sont une protection suffi sante, dit-on. Pourquoi, dans ce cas, la plupart des militaires sont-ils partisans de la conservation de l’enoeintc ? Supposons une armée ennemie de trois ou quatre cent mille hommes arrivant sous Paris après avoir remporté une grande victoire daos les plaines de la Champagne. Lo gros de notre armée a battu en retraite, soit sur la Bourgogne et la Franche-Comté, soit sur les plaines de la Loire. Il faut que Paris tienne quinze jours ou un mois pour laisser à nos forces de province lo temps de se reconstituer et de recommencer la lutte dans des conditions avantageuses. L’en nemi sent qu’il a intérêt à payer d'audaco, afin de brusquer le dénouement : il nous serre de près. Nous faisons une sortie. Nos territoriaux, encore peu aguer ri», subissent un échec : ils sont obligés de se replier précipitamment; l’ennemi les poursuit l’épé e dans les reins. Les forts n’osent pas tirer sur ces masses, parce que les poursuivis sent plus ou moins mêlés aux poursuivants et parce que dans ces conditions leur feu pourrait atteindre les Français aussi bien que les ennemis. Ceux-ci arrivent à Paris. Il n’y a pas de mur d’enceinte; la ville est ouverte; ils entrent derrière les fuyards. Paris est pris. Paris est pris, et cependant pas un de scs forts n’a succombé. Paris est prie, non pas suivant les règles de l'art, mais par un coup de surprise ; le résultat est le même. Qu’on se souvienne do ce qui s’est passé lo 19 septembre 1870, lors de l’aflaire de Châtillon. Les zouaves improvi sés qui allaient au feu pour la première fois, démoralisés, effrayés en voyant les obus tomber au milieu d’eux, avaient fui à toutes jambes. Ce jour-là, de l’avis des hommes compétents, Paris aurait été pris, s’il n’avait pas eu le mur d’en ceinte. Et notez que ces mêmes soldats qui avaient détalc à Châtillon se battaient héroïquement, deux mois après, à Champigny. Mais la première fois qu’on met des troupes en ligne, quand el.es no sont pas très bien encadrées (et ce sera le cas pour une grande partie de nos forces, dans la prochaine guerre), il faut se défier de la panique et se réserver une bonne ligne de retraite. Or, qui peut soutenir que, même dans les conditions actuelles, le mur d’enceinte n’est pas une bonne ligne de retraite ? De jeunes soldats, des territoriaux qui manqueraient de solidité en rase campagne, reprendraient, comme on dit, du cœur au ventre, lorsqu’ils se trouveraient derrière le fossé de l’en ceinte. D’ailleurs, il faut songer dans cette question, non-seulement aux moyens de défense à donner à l’armée, mais aussi...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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