Extrait du journal

che à saisir pour se cramponner et pour ralen tir la chute! Et Solange, cette chère enfant, cette fille ado rée, cette fleur qui s'épanouissait aux rayons de la fortune comme un grand lis blanc sous le soleil, elle allait donc fermer sa corolle, se courber et se flétrir sous l’ombre d’un couvent, mortelle à sa jeunesse, mortelle à sa beauté! Comment expier cet égarement dans lequel il avait si longtemps vécu ? Comment annoncer là catastrophe à l’enfant? Comment lui faire comprendre que l’humble bergère qui paissait ses moutons le long des fossés des routes était maintenant plus riche qu’elle, car elle avait sa place sous le ciel, elle était ce qu’elle avait le droit d’être, tandis que Solange devait à son nom, aux loisde son rang, de s’effacer du monde et de dis paraître vivante dans le tombeau d’un cloître ! Avec cette énergie soudaine et dépassant le but qui vient aux faibles dans un- accès de réaction, Sixte résolut d’en finir tout de suite. Il se dit que le mieux, pour moins longtemps souffrir, c’était d’appeler Solange dans son ca binet, et là, en deux mots, de la mettre au cou rant de leur chute et du sacrifice qu’il attendait d’elle. , Il achevait de prendre cette résolution quand Kean, qui n’était plus conduit, entra de luimême dans la cour du château et vint tourner au perron. Sixte sauta de voiture; il commença de monter les degrés, la porte s’ouvrit et So lange parut. Elle rentrait du jardin, une gerbe de fleurs sur les bras, souriante, heureuse, fleur elle-même, pénétrée de lumière, dans le rayon nement du grand soleil qui, tombant d’aplomb sur sa tête par l’énorme vitrail du vestibule, la nimbait d’un or éclatant. - En la voyant ainsi, le baron n’eut pas le cou rage de tenir sa résolution. Demain, plus tard, il serait toujours temps ! La vie est longue, la source des larmes est profonde et difficile, à tarir, pourquoi l’ouvrir aussitôt! Et,avec cotte insouciance qui était le trait dominant de son caractère, il embrassa longuement sa fille, puis alla s’enfermer en son cabinet. * Quelques heures après, il en sortit, appela ses gens dans un emportement de colère, leur fit prendre des leviers, des pinces, ce que l’on trouvait, leur cria que Gaudot était un voleur, au’il l’avait chassé, et qu’on ne le reverrait...