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Le Temps, 18 juin 1887

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Le Temps
18 juin 1887


Extrait du journal

Qu’est-ce que la croisade enragée que les radicaux mènent contre le ministère? Quels faits positifs lui reproche-t-on? Sur quel point a-t-il sacrifié la cause républicaine ? On ne peut rien articuler ; c’est un procès de tendance comme celui qui se plaide actuelle ment à Leipzig, une véritable querelle d’Al lemands. Ne pouvant dénoncer aucun acte, aucune manifestation, on s’en prend aux sentiments intimes, qu’on dénature à plaisir ; on imagine des pactes et des complots de pure fantaisie. Que l’extrême gauche et la Justice fassent au cabinet cette méchante guerre, nous le comprenons de reste. On voulait de ce côté un ministère radical, et celui que préside M. Rouvier a trompé bien des ambitions. Ce que nous comprenons moins bien, c’est la valeur et la portée des critiques d’un républicain de gouvernement comme M. Ranc, que les radicaux ont traité depuis longtemps absolument comme M. Rouvier lui-même. Il se plaint que la concentration républicaine soit à vau-l’eau. Mais, s’il en est ainsi, à qui la faute? Est-ce au ministère, qui s’est constitué uni quement sur la plate-forme des économies et des réformes exigées par la Chambre, ou à l’extrême gauche, qui, dès le premier jour, lui a déclaré sans raison une guerre systé matique? M. Ranc est le premier à convenir de la fausseté des accusations lancées par les.radicaux contre le ministère; cependant il ajoute que l’équivoque durera tant qu’on pourra accuser, même avec mauvaise foi, des ministres républicains d’ètne protégés par la droite. Mais qui dira jusqu’où la mau vaise foi peut aller? Ne se trouvera-t-il pas toujours un certain nombre de gens de mau vaise foi pour calomnier les plus vieux et les plus fermes républicains, et un ministère quelconque peut-il et doit-il s’abandonner à la merci de ces gens-là, et régler uniquement sa conduite sur ce qu’il leur plaira d’in venter? La conclusion même de tous ces raison nements de M. Ranc est plus étrange en core. Il ne nous semble pas qu’il demande au ministère autre chose que de se suicider pour ne pas périr. Si vous continuez à être appuyés par la droite, dit-il en effet aux mi nistres actuels, vous êtes perdus. Mais sup posez que les ministres, pour faire plaisir à M. Ranc, suivent ses conseils, qu’ils adoptent quelque mesure violente et s’arrangent pour forcer la droite, quoi qu’elle en ait, à voter contre eux. Comme l’extrême gauche guette cette éventualité et est prête à la' saisir au vol, elle votera aussi contre le ministère, dont le renversement alors est certain. Telle est la situation bizarre où nous sommes et dont il faut tenir compte pour être juste en cette conjoncture. Tout cabinet pour qui la droite vote est perdu; mais tout cabinet con tre qui la droite prend position est impossi ble. M. Ranc et ceux qui font les mêmes rai sonnements que lui ont-ils bien réfléchi à cette contradiction qui est la note caractéristique de l’heure présente? Veut-on faire arriver un ministère de pure extrême gauche et mettre tous les républicains de gouvernement à la remorque des intransigeants? Si l’on ne veut pas de cette solution, qui d’ailleurs, à l’user, se montrerait plus impraticable que .toutes les autres, que reste-t-il d’autre à faire aux républicains de sens rassis que de se grouper autour d’un ministère vraiment républicain, qui n’est aux affaires que pour réaliser les économies budgétaires et les réformes pra tiques qu’on a vainement réclamées des pré cédents? Y a-t-il pour eux un autre terrain de concentration que celui-là? Le ministère ne s’y est-il pas établi dès le premier jour, ou bien en est-il sorti depuis lors ? Le souci de la droite lui a-t-il fait atténuer aucune de ses déclarations devant la Cham bre en réponse aux questions qu’on lui a po sées ou fait commettre aucun acte contraire aux intérêts de la République ? La voie dans laquelle il est entré et où il invite les députés à le suivre, la voie des réformes et des éco nomies, abstraction faite momentanément de la politique pure, est la seule qui reste ou verte à cette Chambre et où elle puisse faire des choses utiles. Partout ailleurs elle ren contrera le chaos et l’impuissance. Aussi notre ferme conviction est que le gouverne ment actuel n’a qu’à marcher droit devant lui et à réaliser son programme, sans se préoccuper de ce qu’on dit à droite ou à gauche et même sans y faire attention. Ce sont ses actes et non ses discours qui doivent,...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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