PRÉCÉDENT

Le Temps, 21 janvier 1897

SUIVANT

URL invalide

Le Temps
21 janvier 1897


Extrait du journal

de Ribeyran. Mais en même temps une infinie désespérance lui alourdit le cœur. Car, depuis quelques jours, des perspectives inattendues s’ouvraient devant lui. Le doute où l’avait laissé son entretien avec le marquis n’était-il pas une porte rouverte à son amour, une écluse soudain tournée, par où lo flot bouillonnant, à peine contenu, était revenu tumultueusement pour l’envahir? Si après tout, malgré tant de preuves, M. de Ribeyran n’était pas son père, aucun in vincible obstacle ne le séparait plus d’Odette. Odette!... sitôt qu’il cessait de se dire formelle ment, impérieusement : «Elle est ma sœur, » il sombrait, à son nom murmuré, à son souvenir évoqué, dans tous les gouffres de la passion. Et il semblait que cette fraternité étrange, cette chimère dont il se leurrait depuis tant de se maines, ne servit, lorsqu’il en changeait le nom, qu’à déchaîner avec plus de force le sentiment qu’elle devait remplacer, anéantir. Quoi I de tant s’appliquer à songer purement à l’adorable fille, ne réussissait-il qu’a entretenir le feu se cret qui lui consumait le cœur? Hélas l il devait bien se l’avouer depuis que1 l’énigmatique attitude du marquis avait ressus cité en lui il ne savait quel vague mais délirant1 espoir. De quel sursaut n’avait-il pas tressailli quand, la nuit dernière, sur son lit sans som meil, il avait au fond de lui-même distingué, comme une larve sombre, cette rampante, sour noise et affreuse pensée : à savoir qu’une preuve de la trahison de sa mère envers le loyal amant, d’une faute qui lui donnerait, à lui, un autre père, lui arracherait un cri de joie ! Ah i de ses deux mains tendues, dans un geste absurde et réel, il avait repoussé la vile suggestion. Et cependant !... ' Maintenant, devant les officiers, ses cama rades, la main du colonel de Ribeyran posée sur son épaule, et sous les paternelles paroles, il sentait un chagrin plus puissant que l’orgueil lui noyer le cœur. ' « Oui, je suis bien son fils. Il n’en dirait pas plus s’il voulait en donner à tous l’idée, et à moi-même la certitude. Après ce qui s’est passé entre nous, s’il doutait de cette paternité, il met trait à s’exprimer ainsi de l’imprudence, et pire encore, de la cruauté. Mais jamais une impru dence de langage ne put être imputée au colo nel de Ribeyran. Et pour la cruauté, il est très...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

En savoir plus
Données de classification
  • rousseau
  • de brazza
  • crispi
  • ribot
  • dolisie
  • barthou
  • blom
  • di rudini
  • lepez
  • goujon
  • france
  • hanoï
  • annam
  • paris
  • vienne
  • lille
  • tonkin
  • algérie
  • chambre
  • brazzaville
  • sénat
  • union postale
  • conseil d'etat
  • parlement
  • union
  • saigon
  • conseil de ses médecins