Extrait du journal
vigueur endiablée d’un homme né pour bien faire et chaque fois il accomplit des miracles. Mais aussi son défaut le suivit, qui gâta tout. Toujours et à dhaque étape il demanda la perfection à la Carrière qu’il entreprenait. Les hommes, il les voulait irréprochables. Trouver des méchants et des indignes à ses côtés, le comblait de désespoirs. Les moyens qu’on employait pour réussir le mettaient hors de soi s’ils n’étaient pas em pruntés à la plus indiscutable loyauté. Ça et là il vit des impuissants et des drôles escalader les degrés de la fortune et des hon neurs, et cela le faisait enrager. C’est un terrible défaut de ne pas voir l’hu manité telle qu’elle est, et de ne pas la prendre pour ce qu’elle vaut. Il ne comprit pas que notre monde est fait de besoins, d’intérêts im pitoyables et de passions indomptées. Un beau jour, à trente-cinq ans, dégoûté, ne sachant que faire, regrettant de s’être indigné à faux, s’apercevant enfin que dans toutes les carrières un homme loyal, honnête, pur, peut conquérir la réputation qu'il mérite sans qu’il soit en son pouvoir de nettoyer les bas fonds ou de dépasser la limite que Dieu assigne à la faiblesse humaine, il s'arrêta et reconnut que sa vie était perdue à jamais. Il était froissé, dégoûté. Il ne lui restait que trois carrières à essayer, celles qu’autrefois les gentilshommes pouvaient entreprendre sans décheoir : soldat, évêque ou laboureur. Soldat, il se trouvait trop vieux ; évêque, il n’osa pas, crainte de tomber encore plus bas dans les désillusions. Ses champs, ses prés, ses haies du Morvan lui sourirent alors, et il alla s’enterrer dans son village natal ou il mit tout ce qu’il rapportait de Paris à la disposition de ses concitoyens : son savoir et son scepticisme. C’est ainsi que vingt ans plus tard on ne pou vait remuer un doigt à Saint-Benoît, bâtir une maison, abattre un arbre, creuser un trou, ma rier une fille, faire un testament, vendre un pré, baptiser un nouveau-né, entreprendre un procès, sans le consulter. Et, resté bon, généreux — car c’était chez lui défaut de nature — il se prêtait à tout ce qu’on voulait, guérissant les uns, plaidant pour les autres, faisant les portraits des marmots, et ne...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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