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Le Temps, 24 février 1892

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Le Temps
24 février 1892


Extrait du journal

passer ; les moins blessés d’hier s’étaient levés, ils allaient joindre leurs régiments. Ermeline, à cette minute, fut assez lucide pour comprendre et pour admirer. Des larmes coulèrent le long de ses joues ardentes, et elle aima si passion nément ces héros qu’elle eut en eux une pleine confiance. Elle saisit l’un d’pux par le bras et lui dit: — Vous ne connaîtriez pas le sous-lieutenant Louveau? Il fit signe que non et s’éloigna. Elle vit se former les compagnies, les passa en revue avec soin, et ne découvrit pas celui qu’elle cherchait. Elle suivit l’armée sur la route, la vit, comme hier matin, escalader la digue et disparaître ; mais elle en conclut que l’armée reparaîtrait le soir, comme hier ; elle en conclut même que, chaque jour, indéfiniment, ce serait ainsi. Et elle revint à la fontaine, em plit sa cruche, poussa la porte de l'église. Mais il faisait jour à présent : elle s’arrêta au seuil, épouvantée. Ce qui lui fit horreur d’abord, c’est que la paille où tous ces hommes gisaient, n’était plus de la paille mais un fumier sanglant. Un ruis seau rouge coulait entre les deux litières, le long de toute la nef, jusque dehors. Au fond, le tas des victimes jetées maintenant sur l’autel, faute de place derrière, donnait la vision affo lante d’un sacrifice humain. Le monceau in forme se hérissait de jambes et de bras rigides. Un cadavre s’était renversé la tête en bas, face à la porte, et demeurait ainsi accroché. Il bat tait Pair de ses deux bras ainsi qu’un chanteur éperdu, et le trou de sa bouche grande ou verte paraissait chanter en effet une Marseil laise muette de la mort. Mais plus lamentable encore que Cette mort aux gestes violents, plus lamentable était la plainte de tous les blessés couchés à terre ; car ils se tordaient les uns contre les autres en gé missant tous, comme se tordent dans leur nid pêle-mêle les petits oiseaux éclos d’hier, avec des cris pénétrants et menus qui contiennent...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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