Extrait du journal

autres parents suivaient pour leur compte les évolutions de leurs enfants. Les mères surtout jubilaient; double était pour celles-ci la fête. Les mères 1 songeait Paul, à qui cette re marque était venue à l’esprit. Et là-dessus, d’un seul bond, sa pensée se reporta vers la mère que la mort avait privée de cette joie. C’est son bien, c’est sa petite fille à elle qu’elle aurait vue si charmante, jolie entre toutes, admirée, acclamée, heureuse de vivre! Et ceux-là mômes qui ne l’eussent point con nue n’auraient pas eu la peine de la chercher longtemps. La ressemblance entre la mère et l’enfant les eût frappés ! Quelle douce émotion aurait caressé son cœur ! Ah ! ces triomphes maternels, délicieusement intenses, il n’y a que les vraies mères qui les éprouvent ! Les autres, les mères adoptives, quoi qu’elles fas sent, ne peuvent les ressentir qu’à la sur face l Et c’est précisément parce que la fête battait son plein, que des impulsions contradictoires s’emparaient ainsi de l'esprit du triste coureur prédestiné après la souffrance. A quelques pas derrière lui, à travers le bruit de la musique, des lambeaux de conversation parvenaient à ses oreilles. On s’exprimait en termes, admiratifs sur la beauté de Noémie. Et des éloges à n’en plus finir ! — Une reine en ce salon républicain, la reine de la fêté 1 disait un politicien dont l’enthousiastrie s’accommodait de la banalité de la phrase. Noémie rayonnait, en effet; elle se disait en souriant que le suffrage universel suggérait un plaisir tout particulier lorsqu’il prenait la fem me pour objet de ses verdicts. Le milieu poli tique où on lui rendait hommage avait insinué l’analogie à sa pensée. Mais ce qui la flattait outre mesure, c’était d’entendre prononcer son nom. La femme de de M. Rochebert !... Mme Rochebert! Du fond du cœur elle associait ainsi son mari à ses propres succès. Fière de lui, elle était à son tour heureuse de lui faire honneur dans le monde. On la proclamait belle, et elle s’en réjouissait pour son bonheur à lui. Elle le chercha du regard et l’avisa debout, silencieux, les yeux fixes, le visage assombri. A quoi rêvait-il ? Ah ! grand Dieu I pouvait-elle se le deman der? N’était-ce pas toujours la. même, l’éter nelle obsession qui le hantait, qui lui soufflait des échappées rétrospectives ! En vérité, c’é tait à en perdre la tête. La musique prenait un moment de répit i...