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Le Temps, 31 juillet 1894

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Le Temps
31 juillet 1894


Extrait du journal

BULLETIN DU JOUR IA GRÈCE ET SES CRÉANCIERS Les négociations délicates qui se sont P9ur" suivies à. Athènes et qui viennent d aboutir a une rupture tout au moins provisoire_ entre deux des groupes nationaux de créanciers de la Grèce et M. Tricoupis présentent deux aspects fort distincts. Il y a d’abord le côté proprement financier qui échappe naturellement a notre compétence. Il y a ensuite le côté politique, on dirait volontiers le côté international sur mquel il est impossible de ne pas appeler l’attention tant du royaume hellénique et de ses hommes d’Etat dirigeants et responsables que de ses amis. Sur le premier point, il est évident qu il y a lieu à des divergences d’opinion considérables, puisqu’en fait elles ont éclaté entre les intéres sés eux-mêmes. Pendant que le groupe parisien se montrait disposé à accepter les offres finales de M. Tricoupis avec tous les sacrifices qu’elles impliquaient, les groupes de Londres et de Ber lin ont déployé une raideur beaucoup plus grande et ont fini par rejeter ce projet de trans action. On sait assez les motifs qu’ont pu invoquer les auteurs de cette décision négative. Ils ont fait observer que, d’après l’arrangement pro posé par le premier ministre, il ne faudrait pas moins de quatorze ans avant que les créanciers touchassent 36 0/0 de l’intérêt auquel ils ont droit et qu’un siècle et demi s’écoulerait avant que l’intérêt dû fut intégralement payé. Pendant ces délais, l’amortissement ingénieusement or ganisé par ce même plan réduirait peu à peu, avec une vitesse sans cesse accélérée, le capital de la dette. • Dans ces conditions, les propositions de M. Tricoupis équivalent, aux yeux de ces critiques, S. une réduction forcée du capital aussi bien que ■des intérêts. En effet, les rachats successifs du capital s’opéreraient nécessairement à des prix .fort bas, si*bien que l’on pourrait estimer sans exagération cette réduction, les uns disent au ‘tiers, quelques autres à. un peu moins de la moi tié du total de la dette. Les groupes de Londres et de Berlin n’ont pas cru pouvoir souscrire à un contrat aussi léonin. A Paris, grâce aux traditions de bonne Volonté à l’égard de la Grèce quirègnent jusque dans le monde des affaires, on a poussé la con descendance et l’esprit de conciliation jusqu’à prendre ce projet pour la base d’une entente éventuelle. On ose espérer qu’on voudra bien à Athènes ne pas perdre le souvenir de cette marque nouvelle et si considérable d’une bien? veillance qui ne s’est jamais démentie. Toutefois, il est bien évident qu’avec le refus de deux des trois groupes intéressés il serait parfaitement vain de prétendre continuer dans cette voie. Le projet de concordat Tricoupis doit Être considéré comme définitivement écarté. Ce qui serait déplorable, au point de vue politique, ce serait que le président du conseil hellène prît prétexte de ce rejet pour se renfermer dans une' attitude absolument passive et pour renoncer à tout nouvel essai de transaction équitable, com me il avait paru le faire dans la première phase de ces longues négociations. Après tout, ce que réclament les porteurs,. c’est purement et simplement, non pas même la plénitude de leur droit strict, mais cette frac tion irréductible de leur droit qui ne saurait leur être contestée par un débiteur qui répugne à la banqueroute. La formule de leurs exigences est -modeste : Donnez-nous ce que vous croyez être en état de nous donner à l’heure actuelle ; seule ment engagez-vous d’ores et déjà à-nous faire éventuellement participer dans une certaine proportion à une amélioration de votre fortune. Rien ne serait plus erroné que de tirer de là divergence accidentelle qui vient de se produire entre les comités la conclusion que l’on pour rait jouer de l’un des groupes contre les deux •autres. Il importe que l’on sache à Athènes que certains cabinets se préoccupent déjà de cette -situation, qu’ils n’entendent point la laisser s'é terniser et qu’ils sollicitent déjà une action con certée, voire collective des gouvernements inté ressés. On rappelle le souvenir de la démarche énergique par laquelle la France, en rappelant naguère son ministre de Lisbonne, ramena le gouvernement portugais à une vue plus saine de ses obligations. Certes, les circonstances ne sont pas absolu ment identiques -, mais enfin le meilleur service ■d'ami à rendre à la Grèce, c’est d’empêcher la naissance de dangereuses illusions. Pour para doxale que puisse paraître la formule, elle est juste : la Grèce n’est ni assez grande, ni assez'" 'forte, ni même assez riche pour pouvoir se ^ayer le luxe d’une banqueroute....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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