PRÉCÉDENT

L’Écho de Paris, 23 janvier 1896

SUIVANT

URL invalide

L’Écho de Paris
23 janvier 1896


Extrait du journal

—Non, me ditPaul,je ne suis plus gref fier au tribunal, je reste, simplement lerentier que j'aurais dû toujours me con tenter d'être; l'inoffensif roitelet de la pro priété champêtre que je possède aux con fins de cette petite ville et le collectionneur de rosiers que tu me sais. Eq voilà assez pour occuper ma vie. Et cela t'étonne, comme cela t'a déjà étonné quand j'ai acheté ma charge et revêtu la robe des hommes de loi.. . « Comment ! toi, me di sais-tu, renté,- indépendant, peux-tu spon tanément t'astreindre à une profession, subordonner à une fonction quelconque une existence que tant d'autres t'envie raient, libérée, de toutes besognes basses, accessible aux travaux exaltants de l'in telligence ? Si tu as besoin d'occupation et que tes rosiers ne te suffisent pas, que ne te crées-tu une activité de voyages, de littérature, d'art, de science, au lieu de grossoyer des papiers timbrés et de re muer des procès fétides ? Tu n'es pas di gne de ta richesse. » Toutes ces choses, tu me les disais, et bien d'autres. Mais tu sais comme je suis faible. Ma jeune femme j Jeanne, me priait alors si gen timent : — Paul, il faut acheter cette charge avoir un emploi. C'est très.laid, un homme qui ne fait rien. C'était aussi mon cousin, juge au tribu nal, qui rêvait de me voir siéger à côté de lui, en toge noire. Enfin je m'étais laissé faire et, moyennant une somme modique, j'achetai cette charge dé greffier. Non pour l'humble gain des trois ou quatre mille francs annuels dont je ne me souciais, guère, mais pour le titre, le petit person nage que je devenais dans la ville, l'illu sion d'une utilité grotesque que je me donnais à moi-même, en nigaud satisfait d'autre part du contraste de mes roses si odorantes, de ma Jeanne à retrouver, si fraîche, au sortir des procédures rances. Ah ! oui, le nigaud, et l'inconscient, et le criminel!... Car, parmi les reproches que tu m'avais adressés, tu en avais oublié un, leprincipal, quidevait sous peu se dresser devant moi, tout vivant et assez sinistre... Tiens ! tu n'as qu'à regarder, à travers les sapins du clos, par-dessus le mur, le toit brun de cette maisonnette, de l'autre côté de la route qui longe mon jardin. Là ha bite, avec une vieille mère incapable de travail, un jeune homme d'une vingtaine d'années, un nommé Aubert, qui aurait dû aller au bagne, par ma faute, et c'est de cette maisonnette-là que mon reproche vivant est sorti. Certes, mon ami, aucun de vous, qui faites métier d'étudier les tristesses, les injustices, les écrasements d'une société en déséquilibre, n'éprouvera probable ment jamais, aussi directement que je l'ai sentie, l'horreur de tuerie qui se dégage de I» latte pour TÎYre, et aussi brutale-...

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

En savoir plus
Données de classification
  • deschanel
  • boulanger
  • balzac
  • victor hugo
  • henry févre
  • chéret
  • cavaignac
  • robespierre
  • lemaitre
  • lamartine
  • fontenoy
  • france
  • toul
  • orléans
  • afrique
  • italie
  • paris
  • arton
  • bazeilles
  • aumale
  • la république
  • sorbonne
  • collège de france
  • comé
  • flammarion
  • aubert
  • afrique-au
  • union postale
  • parti républicain
  • parlement