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L’Écho de Paris, 25 juin 1891

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L’Écho de Paris
25 juin 1891


Extrait du journal

à la face les unes des autres, se heurtant comme des armures avec des éclairs, se crachant au visage, hurlant de mysté rieuses injures. Tout ce vacarme vient de très haut et descend très bas, vous tenant suspendu comme dans une angoisse. Audessus, une nappe d'eau très calme, une bande d'azu;- argenté au manteau de l'horizon. Au-dessous, une agitation vite apaisée, compae une floraison de nénu phars lumineux qui se poursuivent et gui s'effacent. ÏI 5"out seul, et presque au bout du monde, Sur une terre sans chemin. J'ai pris, d'une rapide main, Une fleur prés de l'eau profonde. Sur ma tète le torrent gronde Triste comme un sanglot humain ; Le couchant rayé de carmin Mêle des rubis à son onde. Vibrant d'un indicible émoi, Mon coeur est à nu devant moi. — Tel ce roc qu'uno vague effleure r-jEt sur lui, gravé dans ma chair. C'est votre nom cruel et cher, Qu'en largos gouttes mon sang pleure ! IH Il^est minuit. Pourquoi pas midi ? II fait grand jour et les ombres des choses ne se sont pas allongées pour se perdre dans le même chaos de formes à peine maintenant pressenties. C'est décidément l'impression la plus subtile des paysages du Nord en cette saison, que cette clarté résistant aux révoltes de l'heure, que cette désobéissance à ce qui nous semblait une loi éternelle du temps. La lune est montée au ciel comme par habitude. Car ce n'est pas d'elle assurément que descend cette lumière dont tout est également bai gné comme si les transparences d'un lac eussent enveloppé le monde. Sur quel roc biblique Josué est-il debout, une main tendue vers le soleil ? On n'évite l'effa rement que par l'inconscience du phénomène, en se disant qu'on se trompe soi-même et que les montres ont menti. L'air est plus frais, cepen dant et traversé de souffles franchement nocturnes. Les fonds sont plus délicate ment teintés et le ton de ces feux obstrués a quelque chose des mystères des apo théoses. L'orient et le couchant se colorent bientôt d'une identique façon. Tout déclin est-il donc une invisible aurore. Alors, pourquoi pas l'âme immortelle, puisqu# la vie semble naître de sa mort ? Ce spec tacle du soleil plongeant à peine sous l'horizon pour reparaitrïf'àussitôt, chargé de flammes rajeunies, est ce que j'ai vu de plus émouvant au monde. Mais il faut le voir près du torrent d'Imatra, reflétant, en les brisant, les doubles feux de ce soir et de ce matin confondus. IV Le soleil est tombé ; le soleil se relève, Comme un soldat blessé, rapide, éclaboussant L'or clair de l'horizon des. pertes de son sang Et flagellant le ciel des éclairs, de son glaive. Durant ce jour si long et cette nuit si brève, Devant ces deux soleils l'un l'autre se chassant Ni l'astre qui renaît, ni l'astre qui descend, Mais votre seul sourire illumine mon rêve. Vous êtes la clarté qu'aucune ombre ne suit, Et votre souvenir, comme ce jour sans nuit, Dans mes yeux éblouis reste vibrant encore. Dans tout ce que je vois, c'est vous que je crois voir; Votre robe aux plis blancs a les pâleurs d'un soir. Et l'or de vos cheveux a des clartés d'aurore !...

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

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