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L’Écho de Paris, 28 juin 1898

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L’Écho de Paris
28 juin 1898


Extrait du journal

l'arrache par lambeaux de l'enseignement secondaire ? Et cet enseignement, quel en était donc l'objet en principe?Former aux élégances de l'esprit dès gens de robe èt d'église. Les collèges ne servaient qu'à cela dans l'ancienne France. Le latin y convenait.. Les collèges aujourd'hui ont pour fonction d'orner l'intelligence des jeunes bourgeois. Le latin y convient-il si bien?» Ainsi parlent mes contradicteurs. Et ce qu'ils disent est considérable. Et ils proclament'que dans les conditions ac tuelles de la vie il faut s'armer de con naissances utiles.. Qela aussi est digne d'intérêt, bien que nous ayons tort peut-être de penser que nous ouvrons l'ère de l'industrie et des expéditions lointaines. Mais c'est une il lusion commune à toutes les époques de croire qu'un ordre nouveau de choses naît avec nous. Encore faudrait-il rem placer l?étude du latin par celle de quel ques connaissances plus utiles. On .parle de sciences. Un jeune homme est-il mieux armé pour lé combat de la vie si l'on a mis dans sa tête quelques termes de chi mie ? Non. Les éléments d'une science exacte ne sont d'aucune utilité à ceux qui ne poussent pas cette science plus avant. L'histoire donne-t-elle de l'expérience à la jeunesse ? Non, l'histoire telle qu'on la lui enseigne n'est qu'un insipide cata logue de faits ét de dates. Et comment faire connaître la vie d'un peuple à des adolescents qui ne savent pas même ce. que c'est que la vie d'un homme? Je ne dis rien de la géogrâphie qui fut long temps l'objet des espérances les plus su perstitieuses. Elle est réduite dans les classes à un exercice de mémoire, le plus vain de tous. Je ne vois guère que la connaissance des langues vivantes qui ait un intérêt pratique. Mais c'est une connaissance d'u sage que l'usage donne mieux et plus vite que ne peuvent le faire les maîtres et les livres. Les langues vivantes s'attrapent tout de suite en voyage. Ge n'est pas la peine de rester sept ou huit ans au collège pour y apprendre l'allemand de manière à être mal compris des Allemands et l'anglais pour n'être pas du tout compris par les Anglais. Et puis je ne'sais pas si l'enseignement secondaire doit avoir pour objet l'utile. Je ne sais pas s'il le peut. Il est bien théori que et bien général pour cela. Et, quelque changement qu'on y apporte, il restera général et théorique. Il est destiné à for mer des esprits et non point telle ou telle espèce d'esprits. Il enseigne à penser. La sagesse est de se tenir pour satisfait s'il y réussit, et de ne pas lui demander beau coup d'autres choses en plus. C'est pourquoi je regrette infiniment les méthodes d'après lesquelles on enseignait autrefois le latin dans les classes de let tres. Car, en apprenant le latin de la sorte, les éléves apprenaient quelque chose d'in finiment plus précieux que le latin : ils apprenaient l'art de conduire et d'expri mer leur pensée. ANATOLE FRANGE. Nos lecteurs trouveront à la 3° page notre DERNIERE HEURE et nos Dé pêches de 3 HEURES DU MATIN....

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

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