Extrait du journal

Si un gosse chipe une orange à la devanture d’un fruitier ou subrepticement plonge le bras dans la manne contenant les oeuts et en retire un qu à toute volée il lance à la tête de son camarade ; si, fasciné par un savon tout rond et tout rose qui étale son ventre orgueilleux à la de vanture d’un parfumeur, il étend la main pour s'en emparer » si encore, pour se rendre à la ville voisine, il monte dans un compartiment de chemin de fer sans être muni de billet, vous penserez que, pour avoir accompli l'une ou l’autre de ces actions répréhensibles, il a besoin d être tancé d importance. Et peut-être évoquerez-vous avec un peu d’émotion les gronderies et punitions encourues par vous, pour vous être vous-mêmes, à 1 âge heureux de l'insouciance et des gestes irréflé chis, rendu coupable de semblables méfaits. Mais que diriez-vous en apprenant que cet enfant qui, selon les termes même de la loi, doit être considéré comme ayant agi sans dis cernement, paye semblable peccadille du bon heur de toute sa vie, qu’envoyé dans une mai son de correction, il peut y passer cinq, dix ou même quinze ans, alors qu’une grande per sonne, ayant elle, pleinement conscience de ce qu’elle fait, et, par conséquent, pleinement responsable, s*en tirerait, dans un cas sembla ble, avec seize francs d’amende, ou, en met tant les choses au pire, quinze jours de pri son ? Vous pousseriez des cris d’indignation et affirmeriez que semblables iniquités ne peu vent se produire dans un pays qui proclama, il y a plus d un siècle, les Droits de l’Homme et du Citoyen. Mais un enfant n’est un homme et un citoyen qu’en puissance. On comprit, récemment, que les mêmes sanctions ne pouvaient être appliquées à l’adulte et à l’enfant, qu’il fallait à sa fragilité des lois particulières, éduquer plutôt que réprimer. Soucieux de créer une juridiction spéciale pour les mineurs, le Parlement s’inspirant d’ail leurs de ce qui avait été fait dans nombre de pays étrangers, institua les Tribunaux pour Enfant par la loi du 22 juillet 1912....