Extrait du journal

L'Eglise romaine est aujourd’hui en liesse : elle honore, elle glorifie celle qu’elle a torturée et brûlée le 8U mai 1431. Au fait, pourquoi conformément au vœu de la Fédération française de la Libre Pensée, déjà vieux de deux ans, cette date lia-t-elle pas été retenue pour que la ré paration annuelle coïncidât exactement avec le jour du crime ? Ainsi que l’a dé claré avec juste raison le Conseil de l’Or dre du Grand Orient, « c’est en effet le jour anniversaire du martyre, le jour du brûlement à Rouen, que l'héroïne natio nale et populaire, trahie par son roi, livrée par les aristocrates et brûlée par les prêtres, doit être glorifiée, tant à cause du caractère particulier du procès et du supplice, qu’en réparation de l’abandon général qui les permit : l'apothéose doit s’élever du bûcher ». Ce n’est, certes, pas qu’elle ait été ébranlée par les quasi-probalités de certains érudits, affirmant que la Pucelle a pu échapper au supplice ; non. C’est plutôt une sorte de remords inconscient du forfait accompli ce jour-là, qui l’a fait reculer devant cette date du 30 mai. dont l’adoption donnerait à la fête nationale de Jeanne d’Arc sa véritable et pleine signification. On ne saurait donc s’étonner que iea républicains libres penseurs réservent au jourd’hui leur hommage pour en reporter l’expression à cette journée dont la com mémoration est d’autant plus naturelle et motivée par sa date même ; qu’ainsi co n’est plus au profit d’une église ou d'un parti, mais pour l’honneur de tout un peuple que la mémoire immortelle de Jeanne d’Arc. devenue entité nationale, doit recevoir les hommages dûs à son sublime sacrifice. En confisquant, pour en faire une sainte, la grande martyre du Vieux-Marché, l’Eglise romaine a eu bien soin de laisser dans l’ombre les atroces péripéties des tortures pratiquées froidement pendant un an sur cette héroïne de dix-neuf ans, par un tribunal ecclésiastique composé fis soixante-et-onze gens d'Eglise. Il existe trois comptes rendus du procès rédigés par les greffiers dudit tribunal, certifiés authentiques par l’é\ ..que de Beauvais et par le vicaire de l’Inquisition. Leurs sceaux figurent encore en partie sur l’exemplaire de la bibliothèque de la Chambre de» députés. On a même con servé le prix payé à chaque juge : 36 francs...