Extrait du journal

NOTES L*e cheval emballé Des femmes, des enfants poussaient des cris devant la mairie de Montreuil; chacun s’enfuyait où il pouvait en ce jour de promenade dominicale. Un cheval emballé secouait à hue, à dia, une voiturette vide; le quadrupède hennissait; son œil étincelait; il ruait des quatre fers, et les éclairs jail lissaient du pavé. C’était spectacle terri fiant. Un homme, n’écoulant que son cou rage et probablement l’amour d’autrui, se précipite; il saisit la bjide au ras des na seaux; se suspend à la tête frémissante du coursier écumant ; se laisse traîner pendant dix mètres; dompte la cavale indomptable, la maîtrise, met fin à ses exercices de vol tige. Des applaudissements saluent sa vic toire ; les mères et les enfants sortent de leurs cachettes, félicitent leur sauveur; un retraité des douanes prononce un discours et conclut par une demande de médaille de sauvetage, proposition qui recueille l’assen timent général. Soudain, d’un revers de main, l’homme s’est hissé sur le siège de la voiturette; il rassemble les rênes; un bref claquement de fouet; le cheval file comme une flèche, et les voilà partis; on se pen che ; au détour du chemin, ils avaient déjà disparus. Une heure plus tard. Changement de décor. Noisy-le-Sec. L’homme, Charles Poiselat, trente-trois ans, liquide l’attelage. Surgit un inspecteur de la Sûreté qui lui met la main au collet. Il vendait le bien d’autrui. Il est en prison. Ce Charles Poiselat se croyait au Texas, où le moindre cow-boy de cinéma s’octroie de son chef le payement d’une bonne ac tion. En France, il est des règles qu’il con vient de respecter. Nous sommes en paix. En guerre, le droit de prise est admis. La conquête de haute main se transforme en propriété incommutable. Mais, dans la vie courante, courir après la bonne fortune d’un cheval emballé est acte délictueux. Je m’arrête. Il est grand temps. Je sens que je verse dans le communisme bolche viste. Georges PONSOT....