Extrait du journal

Il semble que cet élan de sympathie, si spontané, si sincère, si affectueusement expansif, soit allé contre son but. Le glorieux habitant de Sérignan s'en est montré attristé, presque offensé. Il lui répugne de prendre, même malgré lui, la posture d'un solliciteur. Sa fierté ombrageuse s'exprime dans le billet qu'il a adressé à notre confrère. Cette réponse contient des reImerciements et un refus. « Je regrette-, dit-il, que des renseignements non contrôlés aient provoqué votre geste, inspiré certainement par des intentions louables mais propre à accréditer une légende déplorable et inexacte. Je désire qu'on épargne à ma vieillesse de telles exagérations ;et interventions, très pénibles pour ma famille et pour moi. » Voilà, sans, doute, un langage très digne, et d'une fermeté surprenante. Ce nonagénaire a gardé l'énergie de caractère de l'âge mûr. Seules, ses forces physiques ont fléchi. Ce qui Fa humilié, je suppose, c'est l'éclat donné par la voix de la presse à ses misères. Songez que toujours il a fui la publicité. Sa vie entière s'est écoulée dans la retraite, dans la solitude d'un labeur passionné et mystérieux. A quarante ans, un concours de circonstances qu'il n'avait pas recherché le met en passe d'exercer une charge exceptionnelle. Il pourrait devenir le précepteur du prince impérial. C'est la promesse d'un avenir brillant et doré pour lui et les siens. Il repousse cette chance inespérée. Il se fixe à Sérignan, village aujourd'hui célèbre, alors ignoré de tous. Et son oeuvre silencieuse commence. Une maisonnette de cultivateur, quatre arpents de jardin, plantés d'herbes odorantes et...