Extrait du journal

QUELLE agitation! Quelle fièvre! Nous autres, simples citoyens, qui n'avons pas nos entrées au Luxembourg et au Palais-Bourbon, nous n'apprenons ce qui se passe dans ces « enceintes » que par tes on dit, les rumeurs colportées, les informations tendancieuses des gazettes. Jamais bataille ne fut plus ardente, plus fertile en embuscades, en manoeuvres cachées, en ruses perfides. Et, d'abord, on assiste aux opérations préliminaires. Elles commencent un mois environ avant le Congrès. Dès le matin, des conciliabules s'organisent; les autos font la queue à la porte des sénateurs et des députés influents. Des messieurs préoccupés entrent et sortent. Ce sont les « clients » des candidats. Car chaque candidat possède un lot de clients attachés à sa fortune. Et chez M. X..., M. Y..., M. Z..., la même conversation s'achève par la même phrase : La France compte sur vous. Le candidat éventuel se défend, avec une appréhension réelle, contre ces voeux. Au fond du coeur, il souhaite sans doute qu'ils soient exaucés, mais il juge convenable de ne rien laisser paraître de ses sentiments secrets : « Non, je vous assure. Je laisse à de plus dignes la charge de représenter notre parti. » Cette réserve soulève de véhémentes protestations. Les clients l'exhortaient. Maintenant, ils l'adjurent impérieusement: « C'est un devoir sacré. Vous n'avez pas le droit d'y faillir. » Il acquiesce enfin : « La présidence est un lourd fardeau, surtout en ce moment. Mais, si le pays a besoin de moi ! » On n'en demande pas davantage. On...