Extrait du journal

Qrand je suis seul aux heures bien heureuses de travail, je me tourne vers son image, qui est là, toua jours, sur mon bureau. Nos yeux se rien contrent comme autrefois, je revois ce grand front modelé de infants volumes, ce demi-sourire de l homme de sagesse et d âge, où 1 ironie se mêle à la bonté. Ceux qui eurent 1 honneur d’être de ses élèves connaissent bien ce sourire : celui des « colles » au tableau noir, cette flamme de gaieté subtile, si redoutable pour le malheureux pris en défaut d'intelligence, cette vivacité du coup d œil qui tout en semble étreint et sonde, signe de présence rare à toutes choses, que je n ai vu qr à quelques-uns. Ce sourire, cette gaîté, cet air d amusement qui baignait le sérieux de lumière légère, ils mont appris bien davantage sur le monde que tout pense gaiement des maîtres. Au seuil de ma des binée, comme de beaucoup d autres, il y a cet homme : fort et carré dans son être, possesseur d’une certitude qr une longue méditation avait mûrie. Mais s’il faut, pour évoquer en public sa mémoire, quel que droit singulier sur cet homme, je le revendique avec orgueil. Depuis ma dix huitième année jusqu à ce jour, je 11 ai cessé de m entretenir avec lui. d’être for mé par lui à ma vocation d homme : de puis longtemps je 1 ai nommé mon père selon l'esprit, mon plus-que-père lui dé disant cette vie mienne, cette vie propre, qui commence du jour où 1 adolescent d hier assume, en toute conscience, la sali tute et la responsabilité de son destin. Pendant les quarres années de guerre, nous ne flous sommes pas quittés. Je le voyais de plus en plus fréquemment, je passais avec lui des journées entières : et sa compréhension des événements et des hommes était si vaste, que chaque fois il découvrait des perspectives nouvelles à ma pensée. D autres rappelleront quelle tut, pendant ces quatre ans, son action souterraine tant au militaire qu'au civil : ce prêtre qui tut un soldat et un citoyen sut y montrer qu'il avait une âme digne de son grand esprit. Ce que je veux en ver de dégager, ce sont les raisons pro fondes, lentement réfléchies, d’une atto luxe qui fut toujours commandée par la lucidité la plus exigeante, par la plus fuste vision de certaines vertus élément tires, sans lesquelles l’homme abdique sa figure humaine, et devient indigne...