Extrait du journal

Adieu les malles ! Les- marchands de malles vont se désoler et les marchands de valises vont se réjouir. Mais ce sont les mê mes : ils pleureront donc d’un œil et riront de l’autre. On peut compter, en effet, qu’ils ne vendront plus ' de malles, mais que chaque Français sera'tenu de posséder" au moins deux valises, voire trois et quatre. Comment il réussira à les faire, tenir dans le filet, c’est une autre affaire. Il! est probable que nous ne voyagerons plus désormais en chemin de fer. qu’au milieu d’un amas de colis, cependant qu’au bout du train un employé dis posera d’un wagon entièrement vide, capable de contenir huit chevaux (en long) et qui ne contiendra rien du tout. O temps bénis de l’avant-guerre ! Pour deux sous, nous avions, le droit de faire charrier derrière nous trente kilos de bagages, sans compter ceux que nous voulions conserver avec nous. On a estimé que ce prix était trop mo'dique, et nous n’en sommes pas étonnés. Mais allait-on le hiultiplier par cinq ? Nullement. On le mul tiple par cent. Nous ne pouvons nous empêcher de trouver que c’est “beau coup. Pour une malle pesant trente kilos, transportée à plus de cent kilo mètres, on nous demande de payer dix francs au lieu des dix centimes de' jadis. Qù’arrivera-t-il ? Il n’est pas fort malaisé de le prévoir. Les malles dis paraîtront et les valises se multiplie ront. Nous assisterons au phénomène inévitable signalé par tous les écono mistes : la matière imposable fuira devant l’impôt excessif. Un voyageur de 3* classe paie présentement 20 fr. pour, franchir 101 kilomètres, même s’il pèse 120 kilos. Il est,déraisonnable que ses seuls habits, quand il les met dans une boîte, soient taxés à dix francs. .Les. compagnies de chemins de fer sont fort malheureuses, parce que l'Etat* leur prend tous leurs bénéfices sous forme d’impôts. Ce n’est donc pas à elles qu’il faut s’en prendre, mais à l’Etat lui-même. Il emploie, pour remédier à leur déficit, un moyen auquel il devra renoncer parce qu’il le verra inopérant. Jamais, au delà d’un certain taux, les impôts .n’ont comblé aucun déficit Toujours ils l’ont aggravé. Voilà le problème sur lequel pourra méditer le conducteur des bagages, dans son fourgon vide de bagages. GALLUS...