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L’Intransigeant, 25 septembre 1924

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L’Intransigeant
25 septembre 1924


Extrait du journal

NOS CONTEMPORAINS «Bons ouvriers de province» Les Parisiens qui ont le temps d’al ler voir, un peu longtemps, la province y observent des spectacles étonnants. Lé plus curieux peut-être, pour celui qui a la moindre villa et qui trouve l'occasion d’y faire faire un petit trav. ’1 de soudure pu de menuiserie, est qu’on vous dit qu’il n’y à plus d’ou-, vriejrs en province. Ou, du moins, de bons ouvriers. Si nous appelons bon ouvrier celui qui, étant soudeur, sait user d’une lam pe à souder, et l'emet au client une soudure propre,, rapidement faite, ter minée de façon a ce que la réparation soit garantie,, autrement dit l’ouvrier qui sait manier ses outils et s’efforce, en conscience, de produire un ouvrage bien exécuté, - nous constaterons que bien des provinces ne contiennent plus, o.u presque plus, de bons ouvriers. Paris semble les avoir concentrés, on, ne sait pour quelle raison. Sans doute l’attrait de plus gros salaires. Que! que soit le motif de cette désertion des vil les de province, qui se produit après une rapide désertion des campagnes, les conséquences n’en sont pas moins graves. 5, & SL II faut dire aussi que Paris ne con tient pas que des virtupses? Mais, d’une manière générale,, l’ouvrier parisien est très supérieur â l’ouvrier de la pro vince.-Pour gagner sa vie à Paris, il faut un minimum de rapidité et de qualités professionnelles qui ne semble pas nécessaire à Dreux, à Calais ou à Abbeville. Et, de fait, l’ouvrier parisien n’est pas né à Paris. Dans beaucoup de cas, c’est un provincial, tout bonnement, quf est venu y faire son chemin. Jadis, quand un poète, un acteur, un chanteur ou une jolie femme se fai sait remarquer un peu dans sa ville natale, il, ou elle, ne tardait pas à ve nir à Paris. . Depuis quelque temps, le plombier et Je tapissier suivent leur exemple. Sa vent-ils souder à Brest) planter un clou à Foritenay-lë-Gomté: ? ' Ils viennent souder, planter des clous et poser des tapis à Belleville. . « £ £ J’ai la chance de posséder quelque science et quelque expérience de la mé canique. Sauf exception, les ouvriers que contiennent les garages de provin ce que je connais sont d’une ignorance étonnante et leur nullité a quelque chose d’ahurissant. Si par hasard le temps m’a manqué pour une répara tion, et que j’ai dû la faire faire, c’est toujours moi qui ai dû, en plusieurs heures de travail, remédier après coup à la paresse et aux bêtises de l’homme de l’art. g J’ài vu un ouvrier de province soute nir à un vieux monsieur qu’une ma gnéto ne fonctionnait bien que dans l’huile, et que « tant plus qu’il y en avait, tant plus ça marchait bien »... Cet organe devait recevoir une goutte d’huile légère tous les mille kilomètres au plus ; mais le - vieux monsieur croyait son conseiller, et il inondait sa magnéto avec une seringue. Le miracle est que « cela marchait » quand même.' Ainsi sont-ils ! Par bonheur, ils ne sont que mécaniciens I Si la province avait des médecins égaux orç inférieurs à certains de ses ouvriers, il n’y aurait plus personne de vivant à Gap ni à Bordeaux. Toute leur clientèle aurait péri, par grippage ou arrêt de fonc tionnement. • & & U y a des plombiers de province qui semblent incapables de poser un tuyau droit, et ils ne peuvent éviter, leur tra vail fini, l’apparence d’un combat de furieux serpents. - A Paris, cet ouvrage est coûteux, mais il-est bien fait. Et il en est de même en électricité. Un ouvrier de Brive ou de Brantôme laisse 'sur son passage des fils cloués, pendants et noués avec du chatterton, alors que l’ouvrier parisien, pour obtenir le mê me éclairage, arrive on ne sait com ment à cacher ses fils à l’intérieur de tous les murs. . £ SI Un de mes amis, enfin, vient d’en trer en levant les bras au ciel. Il sort d’on garage du Sud-Ouest où il avait donné à réparer une crevaison de chambre à air. On lui a compté cinq francs la pose, d’une pastille, ce qui est cher. Et, pour comble de malchance, on avait posé la pastille-à côté du trou ! Sans doute il y a des exceptions à la règle. Il existe des ouvriers dignes de ce nom .dans quelques petites villes. Ce sont de • bonnes gens et des techniciens hors ligne. Mais presque tous ont plus de cinquante ans. Honorons-les. Us connaissent la joie de faire son métier....

À propos

Fondé en 1880 par Eugène Mayer, L’Intransigeant était un quotidien de tendance socialiste. Ce qui ne l’empêcha pas, lors de l’affaire Dreyfus, de se laisser aller à un antisémitisme farouche.

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