Extrait du journal

Je ne dirai même pas qu'elle déforme les faits (du passé, ou de l'appareil scientifique, ou du paysage exotique). Nous le savons tous, et l'enfant, peut-être, le devine. Ma thèse est qu'elle favorise, entretient la passivité de l'écolier. Il a vu d'un œil distrait et il croit savoir après ce rapide contact. Il ne lira pas plus avant dans l'image elle-même. Si vous ne surveillez pas individuellement les écoliers auxquels vous soumettez, en tas, en leur confiant le livre, les images qu'ils se hâtent de voir toutes dès le premier w jour (ce qui « vous en met plein la vue » beaucoup plus qu'à eux: mêmes), ils ne les regarderont plus. Je risque ce paradoxe qu'ils m les connaîtront d'autant moins 1 qu'elles leur seront plus famjlièf res. Voir est une chose; regarder une tout autre chose. Regarder c'est analyser les éléments dont se compose ce que l'on voit, c'està-dire mettre beaucoup de soimême dans l'acte, faire effort, reconstruire pièce à pièce, comprendre, par une identification entre sa propre pensée et l'objet qu'on a sous les yeux. Faites faire cela sur une image à l'enfant et je ne dirai plus rien contre elle. Mais l'enseignement collectif rend la tâche impossible ; avec lui la prodigalité de l'illustration dans le livre va à l'encontre du but....