Extrait du journal

Comme nos sentiments sont pareils. tous les lieux sacrés qui nous appellent se ressemblent. Pour moi, la patrie de mes souvenirs est un cimetière qui domine une colline de Basse-Bretagne, là-bas, dans les contreforts des Montsd'Arrée, dont la procession bleue se déroule sur l'horizon. Vieux cimetière autour de sa très vieille église, maigre d'échine et courbée vers la terre. Aux temps où l'espérance du salut souhaitait une sépulture aussi voisine que possible du tombeau de l'éternel Vivant, les places de choix étaient réservées aux puissants du monde. Seuls ils trouvaient asile dans l'arche, sous les dalles du chœur ou de la nef. Le commun des mortels serrait son troupeau contre les murailles saintes, au bercail du cimetière. Ainsi s'est constituée, au milieu du village, cette cité des âmes. Des murs de granit la soutiennent et la fortifient, ses trois portes sont closes de grilles et d'échaliers de roc. Un bois de noirs sapins la protège des vents du Nord et semble coiffer la colline du capuchon de deuil que, sur leur cape funèbre, abaissent les veuves de chez nous....