Extrait du journal

Devenu républicain, le Sénat est à la recherche d'un président qui pré side. Ce n'est pas une plaisanterie. Un président effectif est le rara avis que demandent à tous les échos d'alentour les gauches sénatoriales. M. Martel remplissait bien son office. C'est à des sein que nous ne disons pas : son de voir. Il avait donné assez de preuves de complaisance et de partialité à tous les groupes républicains pour être, à leur avis unanime, le modèle du par fait président. On n'a pas oublié, dans le monde parlementaire, la séance du 2 août dernier, où la droite tout en tière, livrée par M. Martel aux intem pérances de langage de M. Ferry, fut obligée de quitter la salle des séances et de se retirer dans les bureaux. Le successeur de M. d'Audiffret-Pasquier est aujourd'hui hors d'état de présider. Il maintient sa démission dans une lettre adressée à ses « chers collègues ». Fort bien ; mais il s'agit de trouver un remplaçant, et ce n'est pas chose facile. Les candidats ne manquent pas : tous les républicains se croient dignes d'être présidents du Sénat, voire même de la république. Dans les coulisses s'agitent les petites ambitions et les petites personnalités. A l'heure du scrutin, qui sonnera mardi, la plu part devront disparaître. Il y aura sans doute, parmi ces disparus mal gré eux, le fatal citoyen Pelletan,dont le radicalisme effraye la gauche mo dérée. Il est inutile de dénombrer les autres. On sait, d'autre part, que M- Dufaure décline toute candidature. M.Jules Simon se recueille. Jusqu'ici, toutes les chances semblent donc être en faveur de M. Léon Say. Ce n'est pas sans motif que .ce gras souillet ambassadeur a quitté son poste et que le Journal des Débats sou tient que les fonctions diplomatiques ne sont pas incompatibles avec celles de la présidence du Sénat. La thèse est insensée, mais il n'est pas impossible qu'à cause de cela même son avocat puisse avoir gain de cause. Le cumul de fonctions incompatibles, mais non gratuites, n'est de nature à ef frayer ni le Journal des Débats ni son officieux patron. Notons toutefois que ces façons d'agir déplaisent même à plusieurs républicains. Quant à la séance publique, à part la lettre de M. Martel, qui s'est décerné à bon compte un brevet de patriotis me, elle a été nulle. L'ordre du jour appelait la seconde délibération de l'ouverture au ministère de l'instruc tion publique d'un crédit de 17 mil lions pour remplir la caisse des lycées nationaux, collèges communaux et écoles primaires. Nous avons eu déjà, en première lecture, l'occasion de dire notre avis sur le projet. C'est l'inau guration ou, pour mieux dire, le com plément d'un système qui fait payer à tous les contribuables sans distinction les frais de l'enseignement officiel. Après quelques réserves de MM. Xavier Blanc et Lenoël, qui ont essayé de dé fendre les intérêts des communes, ré serves suivies des réponses insignifian tes de MM. Ferry et de Rémusat, le projet a passé comme une lettre à la poste ; seulement la lettre est chargée de 17 millions à l'adresse des collèges de M. Ferry. Ce sont les contribuables qui paient. — Ils chantent, donc ils paieront, disait Mazarin à l'époque de la Fronde. Aujourd'hui on paie encore ; on paie même sept ou huit fois plus cher qu'au temps du cardinal de Mazarin, mais il y a beau jour que l'on ne chante plus. Georges Huillard....