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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 4 mars 1854

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire
4 mars 1854


Extrait du journal

tait le plus mil, de ces consolateurs (pii voulaient lui faire croire qu’elle devait être contente, ou de cette cantatrice qui cherchait à nous persuader qu elle n’était pas désolée. Et Tristan ? Assis dans un coin de la loge, il semblait porter tout le poids de la catastrophe. Sombre, silencieux, morne, le front appuyé sur sa main, il ne prenait aucune part à la double comé die qui se jouait autour de lui. Doux ou trois fois, les regards de la Floriana sont allés le cher cher dans l’angle obscur où il s’était blotti. Je l’observais attentivement : dans ces moments-là. le masque de dissimulation qu’elle avait mis sur î on visage tombait tout à coup. Sa physionomie exprimait un bizarre mélange de colère, de dou leur, no pitié, presque de mépris et de haine. Sans doute, elle comparait mentalement l’air abattu ot glacial de Tristan à ce qu’il eût été si elle avait réussi. Lorsque le groupe peu nombreux de ces cour tisanes du malheur a paru se disposer à battre eu retraite, Tristan m’a fait signe ; nous sommes sor tis ensemble, après avoir salué la cantatrice, qui n’a rien dit pour nous retenir. Nous avons pris par le passage Uhoiseuil, où, suivant l’usage antique et 'solennel do tout célibataire sortant des Italiens,nous avons allumé un cigare; puis, nous sommes^ re montés vers le boulevard ; la nuit était froide ; Tristan ne soufflait mot, et je ne savais comment entamer la conversation. Arrivés devant le café de Paris, Tristan s’est arrêté, et se retournant brusquement vers moi, il m’a dit avec une sorte de violence : — Etienne, veux-tu que nous parlions demain matin pour Milan?Chère tante, vous me gronderez, vous me haïrez, vous me maudirez ; mais en cet instant tout pour moi a disparu devant une idée qui m’a causé une horreur instinctive, infaillible, insurmontable : c’est que Tristan allait être ramené auprès d'Aline et de vous par une mésaventure de théâtre, par l’é chec d’une cantatrice l C’est que votre Aline, celte adorable enfant, pour laquelle nul hommage ne me semblerait assez noble, nul cœur assez, pur, nul dévouement assez absolu, allait profiter, de quoi? d’un froissement de vanité dans une imagi nation mobile. Il m’eût suffi, j’en conviens, de dire un mot, pour que ce départ eût lieu, et déjà Tristan me proposait d’aller commencer nos pie- y...

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

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Données de classification
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