Extrait du journal

Or, l’abandon de la terre, presque toujours, entraîne une déchéance. Phy siquement, à côté du travailleur qui, en plein air, accomplit des besognes saines, l'ouvrier d’usine, le garçon de bureau paraît quelqu’un d amoindri. Au moral, quels que soient les défauts héréditaires du paysan, il possède des vertus qu’il a toutes les chances de perdre en cessant de l'être. On ren contre encore des ouvriers munis de bon sens ; mais, chez un très grand nombre, la santé du jugement est viciée par les lieux-communs de la démago gie ; toute volonté d'initiative se perd dans la certitude de rouler comme un atome au milieu d un vague courant, on ne sait où. Reçoivent-ils au moins du travail bien fait une raison d’être contents ? Zola les calomniait sans doute quand il repésentait les mineurs comme des forçats qui descendent au bagne de la fosse, pareils à des esclaves marchant sous le fouet. Henri Davignon, dans une de ses nouvelles, a bien mieux saisi l’attrait singulier du mineur pour sa tâche souterraine, comparable à l’obsession de la mer dont le pêcheur est hanté. Cependant, il suffit d’avoir quel quefois, avant l’aube, à l’entrée d'un métro ou dans une gare de banlieue, croisé des rassemblements de travail leurs taciturnes, harassés des fatigues d'hier et las, d’avance, de celles d’au jourd’hui. Ces hommes vont à leur chantier, parce que la nécessité les tient debout ; cornent auraient-ils le cœur à l’ouvrage ? Le sens divin du labeur n’existe point en eux ; celui qu’ils font les écrase ou ne peut guère les intéresser. Jacques Valdour, au début d’une de ses héroïques enquêtes, raconte qu’étant nettoyeur de chaudiè res il constatait en ses compagnons...