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Paris, 14 avril 1886

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Paris
14 avril 1886


Extrait du journal

Caribert avait affaire, hier, à la Recette générale du département de la Seine. Il y a de ces pénibles devoirs de contribuable, d’imposé, de patenté, de breveté qu'il faut exactement remplir. Cinq ou six personnes devaient passer avant Caribert au guichet de la caisse. Il s’assit donc un instant sur le banc de bois généreusement offert aux visiteurs et se mit à examiner, suivant sa mauvaise habi tude, les faits et gestes de ceux qui l'en touraient. Devant lui un monsieur, ayant terminé l’opération qu’il était venu exécuter, s’ap prêtait à se retirer, lorsqu’il aperçut un grand écriteau accroché au grillage en fil de fer et portant ces mots : Souscription à l’Institut Pasteur. Les contribuables ont quelquefois de généreuses pensées, mémo après avoir passé par les caisses publiques. A la vue de l’écriteau, celui-ci songea sans doute aux Russes de Smolensk, au berger Jupillc, au petit Joseph Meister. Il fouilla dans son gousset, en sortit une belle pièce de «leux francs toute neuve et se dirigea vers un guichet. C’était une façon comme une autre do répondre aux attaques diri gées contre M. Pasteur. Au guichet, M. V... exprima son désir. u II faut verser à la caisse, monsieur », lui fut-il répondu. Et M. V... se dirigea vers la caisse. Là, il réitéra l’offrande de ses deux francs. u Très bien, monsieur, si vous voulez bien donner votre nom au guichet voisin, on va préparer le reçu. » — « Mais je n’ai pas besoin de reçu.» — « Il faut pourtant bien que nous don nions un reçu. Nous ne pouvons pas recevoir d’argent sans donner de reçu. Tenez, là, monsieur, ici, à côté.» Et M. V..., obéissant passivement à l’ha bile pression du comptable officiel, se ren dit à un troisième guichet. Il débita ses nom, prénoms, domicile ; puis, à l’appel de son nom il revftit à la caisse pour ver ser enfin sa souscription. Avec un soupir de soulagement, notre homme allongeait déjà le bras pour prendre son reçu ; mais il n’était pas au bout de scs peines. Alors, ceci est à la lettre, le caissier plaça le pa pier dans un petit wagon, puis il appuya sur un ressort, et le reçu de 2 francs dê M. V... commença un petit voyage sur le métropolitain minuscule installé dans les bureaux de la recette. M. V..., abasourdi, restait, pendant ce temps, bouche bée et le bras tendu devant le caissier qui avait repris le cours de ses opérations. Au bout de quelque temps, on entendit le train qui revenait à son point de dé part, après avoir franchi des vallées, des montagnes, peut-être même des fleuves. — Il avait, en tous cas, traversé des pays perdus et caniculaires, peuplés d’animaux féroces, car le reçu qu'il ramenait dans sa...

À propos

Fondé en 1881 par Charles Laurent, Paris fut d'abord un quotidien gambettiste, avant de devenir tout simplement opportuniste. En 1888, le journal attaque avec violence le Crédit Foncier, lequel le rachète immédiatement dans le seul but de le faire taire. À la suite de quoi le directeur du journal démissionne, pour fonder Le Jour. Le nouveau directeur Raoul Cavinet, d'une moralité douteuse, sera impliqué dans les années qui suivent dans plusieurs affaires de chantage et de fraude. Il abandonnera son poste, et le titre avec lui, en 1895.

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