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Union nationale des femmes, 10 mars 1929

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Union nationale des femmes
10 mars 1929


Extrait du journal

L’abandon de Famille Mp Maurice Chenu, avocat à la Cour, a tien voulu exposer ici pour nos lectrices, avec la compétence que tout le monde lui reconnaît, quelques idées sur la question angoissante de l'abandon de famille. — On voit bien, mon cher Maître, que la loi est faite par les hommes! . — C’est assez dire, Madame, qu’elle est faite pour les femmes. — Les hommes ne sont pas si galants... quand il s’agit de leufs intérêts. — Mais si. Accordez au moins qu’ils ont fait de petits progrès depuis le Code Napoléon. Il est vrai qu’ils y ont mis le temps, et ce n’est guère avant 1912 qu’il faut situer la première grande conquête féminine sur le terrain du code: la loi sur la re cherche de la paternité. Loi prudente, sans doute, entourée de précautions. Mais indispensables. 11 s’agit de secourir des infortunes, non pas d’aider à des chantages. 'Et le branle est donné depuis lors aux mesures protectrices de la femme et de l’enfant, mesures qu’on a vues peu à peu apparaître depuis la guerre. » Parmi celles-ci, la plus importante est la loi dite « d’abandon de famille ». Jusqu’à elle (7 février 1924 et 3 avril 1928), les avocats.assistaient impuissants à un continuel scandale. Un mari aban donnait-il femme et enfants? La sépa ration de corps ou le divorce étaient-ils prononcés en faveur de la femme? Le Tribunal octroyait à celle-ci une pen sion alimentaire, pour ses besoins et ceux de ses enfants mineurs. Mais cette satis faction théorique une fois obtenue, res tait à assurer (’eyé uition de la dépisiqp judiciaire contre le mari • oupable. Et le mari devenait brusquement insolvable; il disparaissait. Le retrouvait-on? C’était dans un appartement dans lequel toute saisie était impossible, parce qu’il n’était pas à son nom — mais le plus souvent à celui d’une dame, qui précisément aspi rait à lui prendre le sien. Le mauvais payeur se jouait du juge ment rendu, contre lui. Il fallait assurer aux décisions de justice un minimum de respect. Désormais (depuis 1924), le débiteur d’une pension alimentaire que l’on ne peut frapper à la bourse sera frappé dans >sa liberté. Des sanctions pénales sont venues renforcer son obligation. Trois mois à un an de prison, 100 à 2.000 francs d’amende pour celui « qui sera volontairement demeuré plus de trois mois sans acquitter les termes de la pension ». Vous apercevez, il est vrai, la fissure dans le texte: le mot « volontairement », source de plaidoiries. Et puis il y a l’appél. Et puis il y a le sursis possible, pour permettre à l’indulgence masculine de faire bénéficier le mauvais mari ou le mauvais père d’un dernier avertisse ment. Nous avons connu, cependant, de ces débiteurs que cet avertissement ne tou chait pas. Alors, nouvelle procédure, et, cette fois, peine de l’emprisonnement, obligatoirement prononcée. Rien de tel pour remplir mystérieuse ment, à la veille de l’audience, les po ches de celui qui, u.n an plus tôt, les avait vainement fouillées, les larmes aux yeux, devant les juges. Mais voilà encore le vice. J’ai dit « un an plus tôt ». C’est le délai moyen qui séparera les deux procédures. Et quand le tribunal correctionnel, saisi de la se conde, aura condamné, il restera l’appel, comme la première fois... Et pendant ce circu.it, dans l’intervalle de ces quatre audiences, la mère et l’en fant attendront leur pain — qu’ils atten daient déjà depuis le jugement civil or donnant pension — jugnment que luimême on avait attendu... Fasse le ciel que la mère ait un petit pécule ou u.n bon travail! Nous n’accusons personne. Quiconque a pratiqué le métier d’avo cat sait combien à Paris est lourde la tâche des juges. Il faudrait des audiences spéciales, consacrées à ces questions urgentes que sont presque toujours les questions de pensions alimentaires. Mais il faudrait beaucoup plus de juges. Et la France est pauvre. Quoi qu’il en soit, saluons cette con quête féminine — d’une application de plus en plus fréquente. Ajoutons qu’elle en est une aussi pour la magistrature, dont les décisions ne risquent plus ainsi de rester lettre morte. Charles Maurice CHENU, Avocat à la Cour de Paris....
UNF. Union nationale des femmes (1927-1964)

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