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La Cagoule : une ligue fasciste terroriste en France

le par - modifié le 28/12/2020
le par - modifié le 28/12/2020

Dans les années 1930, une organisation terroriste d'extrême droite sévit en France : le CSAR, ou « la Cagoule ». Elle tentera, par des méthodes ultra-violentes, de déstabiliser la République pour imposer un régime autoritaire.

Renverser « la Gueuse » (la République) : tel était l'objectif de la Cagoule, un groupe d'extrême droite actif dans les années 1930 en France.

Sa méthode de recrutement : le parrainage doublé d'un serment prononcé au cours d'un rite symbolique d'initiation, sur le modèle de la franc-maçonnerie. Pour tout traître, une seule sanction : la mort. 

Proche du régime fasciste de Franco, la Cagoule tentera par les moyens les plus violents d'imposer un régime autoritaire en France. 

Origines

Début 1934, alors que la France connaît une désaffection de plus en plus grande envers le régime d’assemblée de la IIIe République, la droite lance une grande campagne de déstabilisation du gouvernement radical de Daladier. Le 6 février 1934, les ligues d’extrême droite tentent de marcher sur le Parlement. La répression est sévère et le bilan est lourd : 15 morts et plus de 1 400 blessés.

Les principaux dirigeants de l’Action française, alors la principale force de l’extrême droite, ne prennent pas part aux violents affrontements de cette journée. Cela sert de prétexte à plusieurs éléments radicaux liés au grand patronat – notamment le fils de commandant et polytechnicien Eugène Deloncle – pour fonder une autre organisation, le Parti national révolutionnaire (PNR) en décembre 1935. 

Le 18 juin 1936, le Front Populaire de Léon Blum dissout les Ligues

Le même jour, le PNR se dissout et laisse place à l'Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (OSARN), qui deviendra dans la presse le Comité secret d'action révolutionnaire (CSAR). 

L’Action française, qui a de fait perdu en juin 1936 une partie de ses éléments les plus actifs, donne à la nouvelle organisation le surnom par lequel elle passera à la postérité : la « Cagoule ». Elle ne cessera d'ailleurs de moquer dans L'Action française, son amateurisme : 

« La Cagoule ? Les lecteurs de l'Action française savent à peu près ce que c'est une société secrète contre laquelle nous avons dû, à plusieurs reprises, mettre en garde nos amis qu'on tentait de débaucher pour les y incorporer.

Sous prétexte de mener une action plus énergique que les ligues nationales, on entraînait ceux qui se laissent prendre dans les manœuvres les plus imprudentes, les plus maladroites, les plus impolitiques. »

Faits d'arme

Anticommuniste, antisémite et antirépublicain, ce mouvement de tendance fasciste mène, à partir de 1936, des actions de déstabilisation de la République, sous la houlette d'Eugène Deloncle, grand bourgeois féru d'histoire des sociétés secrètes. 

Dès le début de la guerre d’Espagne, la Cagoule s’engage aux côtés des franquistes, fournissant des armes, sabotant des voies ferrées reliant la France à l’Espagne, ou encore intimidant les partisans des Républicains.

Le mouvement tisse également des liens avec le gouvernement italien de Benito Mussolini en échange d'un appui financier. Les frères Carlo et Nello Rosselli, deux intellectuels antifascistes italiens, sont ainsi assassinés le 9 juin 1937 pour le compte des services de renseignement fascistes.

 

Photographie d'Eugène Deloncle parue dans le journal L'Ouest-Éclair, 1937 - source : RetroNews-BnF

L’objectif revendiqué de la Cagoule est de créer assez d’agitation en France pour susciter une intervention de l’armée, laquelle permettrait, selon eux, la mise en place d’un régime autoritaire.

Le 11 septembre 1937, la Cagoule commet deux attentats à l’explosif destinés à faire accuser des sympathisants communistes. L’un vise la Confédération générale du Patronat Français et l’autre le siège de l'Union des industries et métiers de la métallurgie. Plusieurs gardiens de la paix en faction sont tués.

L'enquête permet d'établir la responsabilité des membres de la Cagoule dans ce que la presse appelle les « attentats de l’Étoile ».

Le 11 janvier 1938, le ministre de l'Intérieur socialiste Marx Dormoy annonce à la presse l’arrestation de trois des auteurs des attentats, dont l'homme d'affaires Pierre Michelin, soupçonné d'être le chef de la section clermontoise de la Cagoule. 

Le 12 janvier, le journal communiste Ce Soir peut annoncer :

« NOUS AVIONS RAISON.

Oui, des Français, en relations étroites avec l'étranger, servaient d'agents au terrorisme international.  

Le trafic des armes était lié étroitement au terrorisme et le C.S.A.R. au trafic des armes. [...]

C'est au nom de l'ordre, et même d'un certain ordre social, que ces messieurs préparaient tranquillement chez nous la guerre civile et l'invasion. [...]

Eh bien ! nous disons que les lois de l'ordre républicain doivent être appliquées sans faiblesse à ceux qui se sont mis hors la communauté nationale et qui, servant l'étranger, ont méprisé non seulement la loi, mais le sens le plus élémentaire du patriotisme véritable.

Il faut dissoudre effectivement les ligues, il faut écraser tous les nids de la conjuration, qu'ils soient à la frontière suisse, à la frontière d'Espagne, à la frontière belge, en Savoie ou à Clermont-Ferrand. »

 

C'est une tentative de putsch qui va précipiter la chute de la Cagoule.

En novembre 1936, Deloncle et ses hommes tentent de faire croire à l'imminence d'une prise de pouvoir par les communistes. Eugène Deloncle convoque un colonel d'état-major, en présence du général Duseigneur, président de l'association anticommuniste l'Union des comités d’action défensive (UCAD). 

Le colonel relatera ainsi cette entrevue absurde et hors du commun :

« “L’heure est tragique, m’exposent Deloncle et le général Duseigneur. La révolution va éclater. [...]

Voilà colonel. Il est moins une. Votre devoir est d’aller à deux pas d’ici, au ministère de la Guerre, avertir Daladier que la révolution a éclaté. […]”

L’aube se lève, Paris est parfaitement tranquille. Je quitte ces messieurs sur ces mots : “J’ai bien compris. Toute votre histoire de putsch était une épouvantable comédie.” »

Démantèlement

L’échec manifeste de ce coup précipite la chute de la Cagoule. 

Le complot est révélé au grand jour et le ministre de l'Intérieur, Marx Dormoy, fait démanteler l'organisation le 23 novembre 1937, révélant : 

« C’est un véritable complot contre les institutions républicaines qui a été découvert. […]

Le plan des factieux était minutieusement préparé.

Au cours des perquisitions, on a découvert notamment le plan précis des égouts de Paris, avec des itinéraires tracés aboutissant aux ministères et à la Chambre des députés. »

Plus de cent vingt membres de la Cagoule sont immédiatment arrêtés, parmi lesquels Eugène Deloncle et le général Duseigneur.

Et pourtant… Bien que le cerveau du groupe soit derrière les barreaux, la Cagoule opère encore pendant et après la débâcle de 1940, grâce à ses multiples ramifications dans les milieux économiques.

Le 5 juillet 1941, Marx Dormoy, bête noire de la Cagoule, est assassiné à l'hôtel du Relais de l'Empereur de Montélimar. Les coupables sont d'anciens membres de l'organisation terroriste.

Portrait de Marx Dormoy, ministre de l'Intérieur, Agence Meurisse, 1936 - source : Gallica-BnF

Les assassins sont rapidement arrêtés et emprisonnés. Ils ne seront cependant jamais jugés : le 23 janvier 1943, ils sont libérés de la prison de Largentière par des militaires allemands.

Après l'armistice de juin 1940, plusieurs anciens membres ou ex-sympathisants de la Cagoule se rallieront au gouvernement de Vichy. D'autres, fervents nationalistes et hostiles à toute compromission avec l'occupant, choisiront néanmoins la Résistance.

Le procès des membres de la Cagoule aura finalement lieu en 1948. La plupart des cagoulards seront acquittés, tandis que les plus compromis sous l’Occupation seront condamnés aux travaux forcés.