Écho de presse

1941 : le triple meurtre du château d'Escoire

le 16/08/2022 par Marina Bellot
le 31/03/2022 par Marina Bellot - modifié le 16/08/2022

En 1941, le futur écrivain Georges Arnaud (« Le Salaire de la Peur ») est accusé d’un triple meurtre, puis acquitté à l’issue d’un procès qui passionne la France occupée. 
 

Octobre 1941. Henri Girard (le futur auteur de polars Georges Arnaud) a 23 ans quand on découvre un matin son père Georges, un haut fonctionnaire du gouvernement de Vichy, sa tante Amélie et la domestique, Louise Soudeix, gisant dans une mare de sang. Tous les trois ont été tués durant la nuit à l’aide d’une serpe appartenant à Romain Taulu, le gardien de la propriété.

Le Journal du 25 mai 1943 revient sur l'affaire que les journaux appellent désormais "le mystère du château d'Escoire" :

« Partout, désordre, pillage et sang. Dans la chambre et le petit salon, les meubles ont été vidés, des tiroirs enlevés et déposés çà et là. [...] Toutes les portes du château, sauf celle de la cuisine, sont fermées. L'enquête ne révèle aucune empreinte, aucune trace extérieure d'effraction. Pourtant, le matin même du crime, sur la route qui passe près du château, on trouve le portefeuille de M. Henri Girard, contenant une somme d'argent, son porte-monnaie vide, un foulard appartenant à sa tante et également son porte-monnaie vide. »

Dès les premières minutes de l'enquête, les soupçons se portent sur le fils Girard, un jeune homme atypique, qui se plaît à vivre en marge de la morale et des conventions de la bonne société.

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Le Figaro dresse ainsi son portrait :

« Henri Girard est d'une carrure athlétique, très entraîné aux sports. Intellectuellement il aurait fait de bonnes études et manqué seulement de quelques points le concours du Conseil d'État. D'après le Courrier du Centre, il serait d'un caractère très violent et, son père ayant parfois lui aussi l'humeur assez vive, il aurait eu avec ce dernier de violentes discussions. Henri Girard aurait manifesté depuis le crime une étonnante insensibilité. C'est ainsi qu'il aurait joué du piano auprès du cadavre de son père, se bornant à faire observer à ceux qui s'en étonnaient "qu'il s'agissait d'une marche funèbre" et que par conséquent, on ne pouvait voir là aucune indécence. »

Paris-Soir :

« De carrure athlétique, sportif accompli. Il a perdu sa mère, il y a six ans. On le dit de caractère emporté comme son père, sournois, insensible, presque cynique. [...] Dépensier, comme on l'est à cet âge, on ne lui marchanda jamais l'argent dont il avait besoin. Il y a pourtant une ombre au tableau : Henri Girard s'est marié en 1939, à la chapelle de l'Institut catholique à Paris, avec une jeune femme qui, dit-on à Escoire, n'eut pas l'heur de plaire à sa famille. »

Immédiatement après avoir enterré son père, Henri Girard est jeté en prison par le juge d’instruction, sans preuves ni aveux.

Dix-neuf mois plus tard, au printemps 1943, le procès s'ouvre aux assises de Périgueux devant une nuée de correspondants de presse. Âgé de 25 ans, le jeune homme à l’épaisse chevelure rousse qui entre dans le tribunal par une porte dérobée est promis au châtiment ultime.

Une centaine de témoins sont cités. L'un des ténors parisiens les plus brillants de l’époque, M. Maurice Garçon, membre de l’Académie française et ami de Georges Girard, a accepté de défendre son fils. Tout au long du procès, il met au jour les nombreuses failles de l'accusation et fait témoigner le fils des gardiens du château, René Taulu, qui fait pâle figure face aux questions du ténor.

En juin 1943, le procureur requiert la peine de mort sans avoir pu fournir de preuves de la culpabilité de Girard.

Le Petit Parisien rapporte :

« L'avocat général n'avait pas grand-chose à dire sinon répéter tout ce qui venait d'être exposé par la partie civile. Il exprima toute son horreur pour le plus affreux des crimes, le parricide. Il affirma que sa conscience de magistrat n'était pas même effleurée d'une ombre de doute au sujet de la culpabilité de Girard. Il requit la peine capitale. Une esquisse d'applaudissements se fit entendre.

La foule est de plus en plus passionnée pour ce procès. Non seulement la salle était archi-pleine mais encore le public, compact, a écouté les deux réquisitoires dans la salle des pas perdus, les portes de la salle étant ouvertes.  Et, au dehors, une foule animée entoure le palais pendant toute la durée des audiences. »

Nul ne peut alors imaginer que sept ans plus tard Henri Girard, sous le pseudonyme de Georges Arnaud, fera à nouveau la une des journaux, cette fois pour un roman promis à un immense succès : Le Salaire de la peur