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Écho de presse

Quand les révolutionnaires voulaient rendre le tutoiement obligatoire

En 1793, les révolutionnaires mettent la question du tutoiement pour tous à l'ordre du jour de la Convention. Divisés, ils ne parviendront pas à le rendre obligatoire, comme le réclamaient ses plus fervents partisans.

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Marina Bellot

Ecrit par

Marina Bellot

Publié le

14 janvier 2019

et modifié le 24 février 2025

Image de couverture

« Sans-culottes en armes », gouache de Jean-Baptiste Lesueur, 1793 - source : Musée Carnavalet-WikiCommons

En 1793, les révolutionnaires mettent la question du tutoiement pour tous à l'ordre du jour de la Convention. Divisés, ils ne parviendront pas à le rendre obligatoire, comme le réclamaient ses plus fervents partisans.

Pendant les premiers mois de la première République, les députés révolutionnaires ouvrent une réflexion sur le tutoiement et le vouvoiement. À première vue anecdotique, le sujet est en réalité révélateur de l'effervescence des revendications égalitaires de l'époque.

La monarchie a été abolie et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen adoptée ; de sujet, l’homme est devenu un citoyen parmi les citoyens.

Dans cette société nouvelle qui doit réaliser « le règne heureux de l’égalité » (l'expression est utilisée dans La Chronique de Paris en 1792), le langage apparaît comme l’un des instruments de la perpétuation d’un ordre social hiérarchisé.

C’est dans ce contexte que, le 10 Brumaire an II (31 octobre 1793), un délégué des Sociétés populaires, Malbec, propose de rendre le tutoiement obligatoire dans les administrations, comme s'en fait l'écho Le Mercure universel :

« Un pétitionnaire vient faire observer que notre langue doit être exactement comme nos pensées ; le vous, dit-il, exprime le pluriel, pourquoi donc des hommes qui se disent libres ne se servent-ils du toi qui marque le singulier lorsqu'ils ne parlent qu'à une seule personne ? Pourquoi conserver encore dans les formes de notre langage ces vieilles traces des distinctions et de la féodalité ?

C'est aux aristocrates qu’il faut laisser le vous pour les reconnoitre ; je propose que l'assemblée décrète qu'il ne soit permis qu'aux aristocrates de se servir du vous en parlant à une seule personne, et que ceux qui diront vous au lieu de toi, seront traités comme suspects et mis en arrestation. [Applaudissements]. »

Fervent partisan du tutoiement, le député et membre du club des Cordeliers Claude Basire obtient que la proposition soit adoptée par décret :

« Bazire [sic] pense que les mots influent plus qu’on ne le croit, d'abord sur les idées des hommes, qu'il importe que notre langue ait des formes libres ; les Romains, dit-il, ne connaissaient pas ces puériles et fausses bienséances du vous en parlant à un seul citoyen.

Bazire demande que la proposition du pétitionnaire soit décrétée. »

Mais certains révolutionnaires veulent aller plus loin que ce simple décret. Le 19 Brumaire (9 novembre), le même Claude Basire demande à ce qu'une loi rende désormais obligatoire le tutoiement :

« Bazire observe que l’on ne suit point cette imitation, ce qui cause des rixes parmi les citoyens ; il demande qu’on en en fasse une loi, et que celui qui pourrait y contrevenir, soit soumis à une peine quelconque. »

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Deux jours plus tard, Basire revient à la charge, arguant que sans obligation légale, nombre de citoyens n’oseraient pas employer le tutoiement, notamment les enfants vis-à-vis de leurs parents :

« La Convention a reçu des Adresses par lesquelles on lui demandait d’ordonner le tutoiement. La Convention n’a pas cru devoir en faire une loi.

Cependant il est certain que bien des enfants n’osent pas tutoyer leurs pères et mères ; il est certain que les domestiques craignent de tutoyer ceux qu'ils servent ;  il est certain que dans les lieux publics cet usage coûte à beaucoup de personnes, et peut même entraîner quelques inconvénients, exciter des querelles.

Il faut pourtant, après la fête de la Raison, que tous les citoyens se désaccoutument de ce vous ridicule et servile.

Je demande que la Convention, au lieu d’une invitation, fasse une loi formelle. »

Son collègue montagnard Jacques-Alexis Thuriot s'y oppose cependant, au nom de la liberté. Tout en jugeant le vous « absurde », il estime qu’une obligation légale de tutoiement ne saurait s’imposer sans heurts et donnerait lieu à des « persécutions » :

« Je m’oppose à cette mesure. Si tout le monde était à la hauteur des révolutions, on pourrait adopter la proposition de Bazire.

Mais je crois que dans ce moment, loin d’éviter les inconvénients dont il parle, on donnerait lieu aux persécutions.

L’amitié s’est toujours tutoyée. Ce langage fraternel a dû être adopté sans peine par les amis de l’égalité.

Mais il est des hommes qui s’étonnent de toute innovation contraire à leurs vieilles et petites idées. Laissons donc mûrir celle-ci, imprimons-la dans l’opinion publique ; quand la raison aura fait assez de progrès, alors rendons ce décret.

On sait bien que le vous est absurde, que c’est une faute contre la langue, de parler à une personne comme on parlerait à deux, à plusieurs ; mais aussi n’est-il pas contraire à la liberté de prescrire aux citoyens la manière dont ils doivent s’exprimer ?

Ce n’est pas un crime de parler mal le Français. Je demande qu’en rendant hommage aux principes, en reconnaissant la faculté qu’ont tous les citoyens de se tutoyer, la Convention passe néanmoins à l’ordre du jour. »

La Convention, dans sa majorité, se ralliera à l'avis de Thuriot. Aucune obligation légale n'imposera le tutoiement hors administration. Quant à la pratique du tutoiement au sein de l'administration même, elle sera éphémère puisqu'elle disparaîtra sous la Convention thermidorienne de juillet 1794, après la chute de Robespierre.

 –

Pour en savoir plus :

Philippe Wolff, Le Tu révolutionnaire in: Annales historiques de la Révolution française, 1990

Mots-clés

tutoiementDroits de l'hommeÉgalitéRévolutiondéclaration des droits de l'homme et du citoyenRévolution française
Marina Bellot

Ecrit par

Marina Bellot

Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.

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