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1934 : la mystérieuse mort d’Alexandre Stavisky

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« L'homme aux cinq cents millions », article consacré à l'Affaire Stavisky, 1934 - Source : RetroNews-BnF

Le 8 janvier 1934 est retrouvé agonisant Alexandre Stavisky, escroc aux relations haut placées. Les circonstances troubles de sa mort en font « l’affaire Stavisky », et celle-ci devient vite le symbole du gouvernement corrompu de la France en crise des années 1930.

Deux jours après la mort de Stavisky, le 10 janvier 1934, le journal de gauche modérée Marianne revient en détail sur le parcours hors norme de l’homme dont tout le monde parle. Après l’exposé des faits, l'auteur de l'article pose les brûlantes questions en découlant qui n’auront, contrairement à ce qu’affirme avec certitude le journal, jamais de réponse : Stavisky s’est-il bien suicidé ou a-t-il été assassiné pour le réduire au silence ? Qui étaient ses relations haut placées ?

« L’affaire Stavisky » est restée à la postérité car elle symbolise, comme le scandale de Panama quelques décennies plus tôt, une IIIe République corrompue où les parlementaires élus monnayent leur pouvoir. De plus, Stavisky étant d’origine russe et juive, l’affaire sert à alimenter les pulsions xénophobes et antisémites de la droite d'alors, L’Action française en premier chef. Ce scandale contribue à la chute simultanée du gouvernement Camille Chautemps le 27 janvier 1934, suivie, dans un contexte de tensions exacerbées, de manifestations qui culmineront avec les fameuses émeutes antiparlementaires brutalement réprimées le 6 février 1934.

STAVISKY

L’homme aux cinq cents millions

Serge Sacha Alexandre Stavisky est né en 1889 à Sloboska, dans un faubourg de Kiew. Son grand-père avait, il y a des lustres, tenté comme lui de conquérir Paris. Un Stavisky fut, en effet, directeur du théâtre Marigny. Malheureusement, il abandonna son théâtre, emportant, déjà, l’argent de ses actionnaires.

Le père du Stavisky actuel, Emmanuel, chirurgien-dentiste, à Paris, rue de la Bienfaisance, était par contre un très brave homme. C’est chez lui que le jeune Alex fit ses premières armes, volant les réserves d’or destinées aux dentiers, dérobant des bridges pour aller les vendre. Le dentiste ne porta pas plainte, et même permit à son fils, affirme-t-on, de disposer d’une somme de six cent mille francs qu’il avait à son compte en banque, lorsque en 1926, Serge Alexandre Sacha ayant commis une escroquerie de deux millions de francs, fut poursuivi.

Le scandale n’en éclata pas moins. C’est alors que dans sa retraite de Montigny-sur-Loing, le père de l’escroc se tira une balle dans la tête.

 

On sait qu’il épousa, en 1910, Mlle Armande Sever, et qu’il divorça ; qu’en 1922, une affaire de chèque sans provision — une petite affaire, celle-là, — le fit condamner à quinze jours de prison et vingt-cinq francs d’amende. Il s’engagea en 1914, fut réformé en 1915, ne tarda pas à fonder une banque, et six mois après sa réforme — quelques semaines après l’ouverture de la banque — était condamné à six mois de prison et 100 francs d’amende.

Petits délits… ce sont au reste les seuls qui lui aient valu des condamnations. Elles devaient d’ailleurs être supprimées de son casier judiciaire par l’amnistie…

Assez beau, avec un front bien découvert, de grands yeux, un regard empreint du charme slave, de longues mains aux doigts effilés, des mains de musicien ou de joueur, Stavisky devait plaire. Très calme, ne jouant de sa voix douce qu’à bon escient, il paraissait sans passion, comme sans défauts. Lui qui savait être un amphitryon magnifique, il mangeait du bout des doigts, ne buvait pas, ne fumait jamais, parlait peu, écoutait beaucoup.

Sa mère allait mourir d’un cancer. On la transporta dans une clinique où des religieuses, avec dévouement, la soignèrent. Stavisky, tout miel, les encouragea dans leur généreuse mission. Mais l’imagination, chez cet homme d’aventure, ne devait-elle pas l’emporter sur la sensibilité la plus naturelle ? L’invraisemblance dépasse souvent le vrai. Tandis que Stavisky remerciait la supérieure de l’ordre des soins que l’on avait donnés à sa mère, il la c...

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