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Interview

Une histoire plurielle des socialismes en France

Dans son dernier ouvrage Brève histoire des socialismes en France (Libertalia), l’historien Julien Chuzeville nous laisse entrevoir l’image d’un courant politique pluriel, aux nombreuses sensibilités, et doté au début du XXe siècle d’une presse foisonnante tant au niveau national que local.

Parti socialisteParti Communiste FrançaisJean JaurèsSFIOanarchisme
Julien Chuzeville

Avec

Julien Chuzeville

Julien Chuzeville est docteur en histoire. Il a publié entres autres Un Court moment révolutionnaire. La création du Parti communiste en France (1915-1924) (Libertalia, 2017) et Zimmerwald 1915, l’internationalisme contre la Première Guerre mondiale (Smolny, 2024).

William Blanc

Propos recueillis par

William Blanc

Publié le

18 août 2025

et modifié le 18 août 2025

Image de couverture

Affiche du Rassemblement des jeunesses socialistes à Phalempin, 1937 - source : Histoire par l'image-Cirip

Propos recueillis par William Blanc

–

Retronews : Votre livre parle « des » socialismes. Cela veut-il dire que l’histoire du socialisme en France serait, de fait, plurielle ? 

Julien Chuzeville : Des gens très divers se sont dits socialistes depuis en gros deux siècles. Durant ce laps de temps, il a existé une grande diversité, mais avec toujours l’objectif de changer la société pour améliorer la condition de ce que l’un de ces socialistes appelait « la classe la plus nombreuse et le plus pauvre », donc les prolétaires ou les travailleurs. Il y a toutefois effectivement des courants pluriels, suscités notamment par des réactions différentes aux événements.

Le premier est sans doute la révolution de 1848. Les « démocrates-socialistes » comme on les appelle alors, qui participent au renversement de la monarchie, sont des républicains, à une époque où il est subversif de l’être, et des démocrates. Mais ils incarnent l’aile gauche de ce courant de pensée. Ils veulent non seulement une révolution politique, mais aussi une révolution sociale.

La Commune de Paris constitue un autre événement important. On y retrouve tous les courants du socialisme, à la fois divers, mais unis dans la lutte collective. Par la suite, ils se divisent à nouveau. Cinq-six partis se revendiquent du socialisme en France dans les années 1890. La date décisive intervient à mon sens en 1905, avec la création de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) qui rassemble tous les socialistes dans le même parti. Cela ne veut pas dire qu’ils pensent tous la même chose, mais cela veut dire qu’ils se sont mis d’accord sur un certain nombre de fondamentaux qui les unissent tous, et notamment sur le fait de se mobiliser du côté de la classe travailleuse. On retrouve aussi cette idée, déjà présente dans la Commune, de constituer l’extrême gauche du camp républicain, d’incarner la volonté de créer une république démocratique et sociale.

Évidemment, cette unité d’action va être remise en cause au moment de la scission entre socialistes et communistes lors du congrès de Tours en 1920, notamment sur la question de la participation à la guerre et du soutien à la révolution russe.

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Écho de presse

1905 : Création de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste

1905 : Création de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste

Pourtant, comme vous l’expliquez dans votre ouvrage, les termes « socialisme », « communisme » et « anarchisme » se confondent parfois. Il est d’ailleurs assez frappant de voir que même après la scission de Tours, la SFIO (socialiste) se réclame encore du communisme, comme le montre ci-dessus cet extrait du Populaire, daté du 1er janvier 1921, où le parti se définit comme « parti de classe poursuivant la transformation de la société capitaliste en société collectiviste ou communiste ».

Les mots évoluent avec le temps, mais à un moment, il est clair pour les socialistes en France que l’objectif reste de remplacer la société capitaliste par un autre type de société appelée au choix collectiviste, socialiste ou communiste, qui sont à l’époque ces trois synonymes.

Ceux qui sont pour le communisme font partie de la grande famille socialiste. Jaurès emploie par exemple le terme parce qu’à l’époque il n’y a pas de divergences avec le socialisme. À partir du congrès de Tours, par contre, on va peu à peu opposer les socialistes d’un côté, dans la SFIO, et les communistes, même si dans l’immédiat, les objectifs affichés sont les mêmes.

Concernant les anarchistes, c’est plus complexe, car l’anarchisme est lui-même pluriel. Les anarchistes collectivistes, à une époque, sont qualifiés de « socialistes libertaires ». Dans les années 1890, aux archives de la police à Paris, j’ai trouvé des dossiers qui placent les libertaires dans le même courant que les socialistes. Tout cela montre bien que, même si les anarchistes sont un peu à part, il existe effectivement des liens forts, du moins jusqu’aux années 1920. Les réunions anarchistes vont être signalées dans la presse socialiste. Pareillement, des anarchistes écrivent dans L’Humanité de Jaurès. On fait des meetings ensemble, on fait des réunions communes. Tous ces gens se parlent, se connaissent, mais s’il y a des divergences sur la question des moyens pour parvenir au socialisme.

On associe beaucoup la création de la SFIO à la figure de Jaurès et au journal L’Humanité. Mais l’archive que vous avez sélectionnée ci-dessus montre qu’il existe d’autres journaux très importants…

Oui, mais d’un autre côté, il est vrai aussi que L’Humanité, progressivement, va devenir le principal journal socialiste en France. Jean Jaurès va avoir l’intelligence d’intégrer tous les courants socialistes dans son quotidien. Avant 1914, il y a des éditoriaux, d’un jour à l’autre, qui peuvent dire le contraire l’un l’autre. Et on argumente.

Pareillement, quand des motions différentes sont proposées lors d’un congrès sur un sujet, L’Humanité va toutes les publier, ce qui permet à tout le monde de se faire son propre avis. Évidemment, on reste d’accord sur les fondamentaux, mais il y a des nuances qui peuvent être importantes. Et on les exprime publiquement. Je pense que c’est vraiment quelque chose de très significatif.

Quant à la figure de Jaurès, remettons-là dans son époque. Son assassinat et son statut de quasi-martyr en font un personnage consensuel à gauche et même au-delà. Mais Jaurès de son vivant a été très contesté, y compris chez les socialistes, même si tout le monde admire ses qualités d’orateur et qu’il produit énormément d’articles. Par ailleurs, rappelons que Jaurès est haï par une grande partie de la presse de droite et d’extrême droite et que les socialistes, parce qu’ils sont internationalistes, sont dépeints comme des agents de l’étranger. C’est d’ailleurs ce qui mène à son assassinat.

L’ambiance antisocialiste, dirigée notamment contre Jaurès parce qu’il est le porte-parole le plus connu de ce courant, va guider le geste de son meurtrier, comme le montre ces deux illustrations quasi-identiques publiées dans LePetit Journal à dix ans de distance :

Quel rôle joue la presse dans la structuration et l’implantation du socialisme en France ?

Il existe à peu près soixante-dix journaux socialistes départementaux avant 1914. C’est une presse là encore très pluraliste, où s’expriment les divers courants du mouvement. Cette presse perdure après la scission de 1920, mais elle est séparée en publications socialistes ou communistes. Elle a d’emblée une diffusion très variable selon les départements.

Dans des zones où le socialisme est peu implanté, le journal permet surtout de relier les militants entre eux à une époque où les transports sont plus lents. Mais ailleurs, dans de grands bassins ouvriers par exemple, comme le Nord–Pas-de-Calais, Marseille (avec par exemple Le Petit Provençal), Grenoble, ou Toulouse, elle est très présente.

Cette presse locale constitue aussi un moyen d’expression pour les classes populaires. Ces journaux ouvrent en effet leurs colonnes à des ouvriers, des employés, des artisans, des instituteurs, des facteurs, des coiffeurs. Elle joue aussi un rôle dans les luttes sociales. Elle va faire sa Une sur une grève qui est la grande affaire dans le département en ce moment. Mais ce n’est pas seulement une presse militante. Elle parle également des événements locaux, de choses concrètes qui intéressent directement le public. Cela explique qu’en termes de diffusion, avant 1914, les tirages de la presse locale militante dépassent ceux de L’Humanité !

C’est enfin, et c’est aussi le cas pour les journaux nationaux, une presse qui parle de tout, y compris de sport, et qui emploie de véritables journalistes ainsi que des correspondants internationaux. Il ne s’agit pas que de militants qui donnent leur avis. Cela permet à son lectorat d’être informé sans se tourner vers des publications conservatrices et tenues par de grands patrons de presse. C’est également un outil qui permet de diffuser une vision socialiste sur l’actualité. Par exemple, lors du naufrage du Titanic, nombre de journaux socialistes font leur Une sur ce drame, mais en montrant bien que les victimes sont proportionnellement plus nombreuses dans les classes les moins chères.

Vous parlez beaucoup de pluralisme, alors qu’aujourd’hui l’image du socialisme révolutionnaire et du communisme est quand même fortement associée à une structuration très verticale et autoritaire. Était-ce le cas au temps de la SFIO ? 

Je l’ai dit, il y a de nombreux débats internes, et tout cela est public. Regardez par exemple cette photo parue dans Excelsior le 21 février 1912 prise lors du congrès socialiste de Lyon (ci-dessous). On a là un peu le portrait d’un congrès socialiste type. C’est d’abord une image collective, c’est une foule d’anonymes, de militants socialistes qui viennent simplement assister au congrès. Je pense que c’est important de montrer qu’un congrès socialiste, ce n’est pas seulement Jaurès, Jules Guesde et Édouard Vaillant à la tribune. C’est aussi un public large qui s’approprie le congrès.

Mais attention. Je ne veux pas non plus donner une vision idéalisée, d’autant qu’au fur et à mesure, il y a de plus en plus de députés qui prennent de plus en plus de poids dans le parti. C’est encore plus vrai avec la scission. La majorité des militants ayant choisi d’adhérer au parti communiste, la SFIO se reconstruit grandement sur la base de son réseau d’élus. Et à partir de là, les pratiques deviennent de plus en plus verticales.

Aujourd’hui, on critique le socialisme pour avoir été aveugle aux questions de droits des femmes ou aux revendications des colonisés. Qu’en est-il en réalité ?

Effectivement, on a tendance à adopter un regard critique par rapport à ces sujets, et on a raison. Toutefois, il faut nuancer. Si on reprend la photo d’Excelsior, on se rend bien compte qu’il y a des militantes (certes très minoritaires) dans la foule. Et je rappelle que la SFIO a été le seul parti avant 1920 à accepter l’adhésion des femmes. Il y a donc dans le courant socialiste des avancées extrêmement audacieuses pour l’époque.

Par exemple, en 1907 L’Humanité rapporte en page de Une que le congrès de l’Internationale de Stuttgart s’est prononcé contre toute politique coloniale et condamné à l’unanimité les « violences et les exactions coloniales ». Cela ne sera pas toujours suivi d’effet par la suite, mais l’orientation est quand même bien là. Le même congrès se prononce pour le suffrage des femmes (droit de vote complet à tous les scrutins, mais aussi droit d’être élue). L’Humanité affiche d’ailleurs en première page une photo où on aperçoit Clara Zetkin et Rosa Luxembourg. Toutefois, soyons honnêtes ; elles constituent l’exception.

Les militantes qui prennent la parole en congrès de l’Internationale restent quand même minoritaires. Il est enfin intéressant de noter que L’Humanité montre en Une des militantes allemandes. Cela semble montrer que la SFIO n’est pas capable de laisser le devant de la scène à ses propres militantes. C’est une contradiction, qui perdure encore à de moindres degrés aujourd’hui.

Pour en savoir plus

Julien Chuzeville est l'auteur de Brève histoire des socialismes en France, Montreuil, Libertalia, 2025. Il est docteur en histoire et a publié entres autres Un Court moment révolutionnaire. La création du Parti communiste en France (1915-1924) (Libertalia, 2017) et Zimmerwald 1915, l’internationalisme contre la Première Guerre mondiale (Smolny, 2024).

Mots-clés

Parti socialisteParti Communiste FrançaisJean JaurèsSFIOanarchisme
William Blanc

Ecrit par

William Blanc

William Blanc est historien, spécialiste du Moyen Âge et de ses réutilisations politiques. Il est notamment l'auteur de Le Roi Arthur, un mythe contemporain (2016), et de Super-héros, une histoire politique (2018), ouvrages publiés aux éditions Libertalia.

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