Chronique

A l'asile : histoire des institutions psychiatriques en Europe

Vue aérienne de l'asile Saint-Anne, 1877 - source : WikiCommons

Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles naît l’asile moderne en Europe, modèle institutionnel reposant sur l’isolement des malades mentaux. S’il s’impose largement au XIXe siècle, le modèle asilaire suscite de vives critiques dès sa naissance.

Cet article est paru initialement sur le site de notre partenaire, le laboratoire d’excellence EHNE (Encyclopédie pour une Histoire nouvelle de l’Europe).

Le grand renfermement européen : essor général, temporalités variables

L’asile moderne naît en Europe au tournant des XVIIIe et XIXe siècles de la combinaison d’un savoir, d’un mode de traitement et d’un modèle institutionnel. Le « traitement moral » de Philippe Pinel (1745-1826), fondé sur la croyance en la curabilité de la folie, vise à prendre appui sur la part de raison encore présente en chaque individu. Il trouve sa traduction dans l’élaboration de modèles de vie institutionnelle, comme celui de la « retraite » d’York, fondée par William Tuke (1732-1822).

L’asile, conçu comme une « machine à guérir », est un instrument curatif en soi, qui répond par une même mesure – l’isolement – à un objectif humanitaire et à un objectif sécuritaire.

À chaque pays sa grande figure et sa grande loi fondatrice : celle de 1838 en France devient un modèle qui inspire partiellement celle de 1845 au Royaume-Uni ou celle de 1850 en Belgique. L’asile d’aliénés se diffuse massivement à l’échelle européenne. En 1878, on dénombre 104 établissements pour aliénés en France. Ils sont 279 en Allemagne en 1899.

Mais cela ne doit pas masquer les disparités entre situations nationales. En Espagne, des établissements modernes pour aliénés apparaissent seulement dans les années 1850. En Italie, il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que la profession psychiatrique se structure et fonde des institutions nouvelles, une législation nationale n’étant adoptée qu’en 1904. En Russie, le retard est plus grand encore. Si certains pays adoptent un modèle homogène et unifié, d’autres organisent l’assistance psychiatrique de manière plus décentralisée (comme en Suisse), ou encore laissent une grande place aux organisations charitables et religieuses (Suède, Portugal, Pays-Bas, etc.).

Les savoirs et les modèles institutionnels circulent à l’échelle européenne, selon une logique d’émula...

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