Chronique

1785 : première traversée de la Manche en ballon, par Jean-Pierre Blanchard

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« Dédié à M. Blanchard. Apparition du Globe Aérostatique de M.r Blanchard, entre Calais et Boulogne, parti de Londres le 7 de Janvier », estampe, 1785 - source : Gallica-BnF

Dès les années 1780, public et presse se passionnent pour les avancées scientifiques spectaculaires. C’est ainsi qu’un intrépide inventeur devient du jour au lendemain une gloire du Royaume, réputation qu’il n’aura de cesse d’alimenter pendant et après la Révolution.

Après une première apparition remarquée lors du défilé du 14 juillet 2019, le pilote Franky Zapata réussissait le 4 août dernier la première traversée de la Manche sur un Flyboard, engin volant de son invention. À l’instar du premier trajet aérien reliant Sangatte, dans le Pas-de-Calais, aux falaises anglaises de Douvres, effectué en 1909 par l’aviateur Louis Blériot, cet exploit industriel n’a pas manqué de susciter concomitamment l’intérêt de l’État, de l’armée mais aussi des journalistes et du grand public.

Ce goût contemporain des prouesses scientifiques et techniques aptes à frapper l’imagination trouve ses origines dans la « culture de la curiosité » dont le siècle des Lumières vit le puissant essor. En ce temps où l’Europe débordait d’expériences spectaculaires et d’instruments intrigants dévoilés aux élites dans les salons et cabinets privés, la presse et le public français des années 1780 se passionnaient pour une innovation : les ballons aériens, que d’intrépides inventeurs rêvaient déjà d’utiliser pour traverser, portés par les vents, le bras de mer entre la France et l’Angleterre.

Dès l’automne 1783, aux lendemains immédiats de la démonstration à Versailles de la machine aérostatique des frères Montgolfier, la presse se couvrait de récits et d’opinions, enthousiastes ou sceptiques. Comme le résument les Annonces et affiches de la province du Poitou du 16 octobre 1783 :

« Tous les Papiers publics parlent de cette invention que nous devons aux lumières de MM. De Montgolfier : tous les esprits en sont occupés, & chacun en parle selon sa manière de concevoir.

Cette découverte peut n’être que curieuse, mais aussi elle peut devenir de la plus grande importance. »

Les ballons aériens n’emportèrent jamais, en effet, une adhésion absolue. Tandis que certains persistèrent à en contester l’utilité, des réactions d’hostilité peuvent être observées tout au long des décennies suivantes.

De nombreux récits témoignent ainsi de la surprise ou de l’exaspération causée dans les campagnes chez les paysans qui s’en prenaient, armes à la main, à ce qu’ils pensaient être un monstre tombé du ciel, ou encore chez un cultivateur hollandais de 1785, excédé qu’un tel engin atterrisse dans son pré et qui, « sous le prétexte que le ballon avait arraché quelques poignées d’herbes, le déchira sans pitié, et maltraita [son] Aéronaute, qui ne parvint à se tirer de ses mains, qu’en lui faisant un billet de dix ducats ».

Dans le même temps, certains savants imaginaient au contraire l’étendue des potentialités offertes par ce nouveau produit de l’esprit humain. Dès les premières expériences, plusieurs articles de presse esquissaient l’ambition de placer ces ballons aériens au service des voyages, notamment par-dessus la Manche.

L’ingénieur-hydraulique Campmans ébauchait dès le 23 septembre 1783, dans la Gazette du Commerce, un projet de double gouvernail attaché à l’aérostat, et laissait libre...

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