Chronique

Itinéraires de la prostitution masculine aux XIXe et XXe siècles

le par

« Les Lutteurs », tableau de Gustave Courbet, 1853 - source : WikiCommons

Quoique dissimulée et peu médiatisée, la prostitution homosexuelle masculine a pourtant connu un essor important au XIXe siècle, participant notamment à la réputation « sulfureuse » de certaines grandes villes européennes.

Cet article est paru initialement sur le site de notre partenaire, le laboratoire d’excellence EHNE (Encyclopédie pour une Histoire nouvelle de l’Europe).

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La prostitution masculine, tout comme la prostitution féminine, connaît un important essor tout au long du XIXe siècle. Essentiellement cantonnée à une prostitution homosexuelle, on la retrouve dans des lieux de rencontres populaires (molly houses en Angleterre, galeries du Palais-Royal à Paris), mais également dans les maisons closes qui voient le jour au début du siècle.

Un retentissant scandale éclate à Londres en 1889 après la découverte par la police d’une telle maison à Cleveland Street, fréquentée par des hommes de la haute société britannique. Parallèlement, la prostitution masculine gagne en visibilité dans l’espace public et ludique des grandes capitales, que ce soit sur les grands boulevards parisiens ou aux abords du Tiergarten berlinois. Elle prend des formes diversifiées, de la passe à la relation suivie, avec des formes de rétribution variées – monétaires, alimentaires ou matérielles.

Tout comme la prostitution féminine, elle contribue à la réputation sulfureuse de certaines métropoles et à l’émergence d’une forme nouvelle de tourisme sexuel, que ce soit en Europe ou dans les colonies.

« L’égalité des sexes dans la prostitution », Le Journal, 31 juillet 1909, p. 1

L’analogie entre les deux prostitutions achoppe toutefois sur plusieurs points. Certains espaces sont en effet spécifiques à la prostitution masculine, comme ceux où exercent des militaires et des marins, très prisés en raison du fétichisme de l’uniforme et des stéréotypes de masculinité qu’ils incarnent. En outre, les prostitués hommes ne font l’objet d’aucune réglementation administrative, à l’inverse des femmes dites « encartées » dans les systèmes règlementaristes européens – à défaut de règlement, ce sont les dispositions relatives au vagabondage, à la pudeur publique, et à la sexualité des mineurs qui encadrent leur activité.

Plus indépendants que leurs homologues féminins, ils sont de fait rarement soumis à la supervision des patron.e.s d’établissements et au proxÃ...

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