Chronique

Lorsque l’activiste homosexuel Adolf Brand « outait » le chancelier du Reich

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« L'accusé [Adolf Brand] porte M. de Bülow sur son cœur », Le Matin, novembre 1907 - source : RetroNews-BnF

En 1907, en pleine polémique autour de prétendus scandales sexuels en Allemagne, un célèbre écrivain « gay » d’outre-Rhin accuse le chancelier von Bülow de se livrer à des actes alors jugés « contre-nature ». La presse française revancharde suit de près le procès qui en découle.

À l’automne 1907, tandis que l’affaire Harden-Moltke défrayait la chronique des deux côtés du Rhin, débutait une affaire assez similaire, mais avec des protagonistes et des enjeux différents. C’est Le Petit Parisien du 1er octobre qui est le premier à débusquer « un scandale en perspective », même si le titre principal se contente d’annoncer sobrement : « Le prince de Bulöw diffamé dépose une plainte en justice ».

Le prince en question n’est autre que Bernhard von Bülow, chancelier du Reich depuis octobre 1900 et précédemment ministre des Affaires étrangères. On se doute que si un homme politique de ce niveau prend le risque d’un procès en diffamation, c’est que l’affaire est grave.

Elle a été déclenchée par un homme déjà familier du public allemand, l’un des premiers activistes « gay » de l’histoire : Adolf Brand. Voici le portrait qu’en dresse le grand quotidien parisien déjà cité :

« Un écrivain allemand bien connu, M. Adolf Brand, qui préside, aux environs de Berlin, une sorte de communauté composées d’adeptes de l’homosexualité et qui, déjà, à différentes reprises, s’est élevé publiquement contre l’article du code pénal qui la vise, vient de publier sous le titre  de : ”Le prince de Bülow et la suppression de l’article 175”, une brochure dans laquelle il dénonce comme homosexuel le prince de Bülow lui-même.

Il appelle le secrétaire du prince, le secrétaire intime Scheefer,  sa meilleure moitié. »

Suit un long extrait de la brochure résumant les vues de Brand : il faut en finir avec ce fameux « paragraphe 175 », adopté en 1871 par extension du Code pénal prussien à l’ensemble du Reich, qui punit tout « acte sexuel contre nature entre hommes » d’une peine de 6 mois à 4 ans de prison – précisons que, comme dans la majorité des pays où existe une législation contre l’homosexualité, les lesbiennes ne sont pas concernées, même si la criminalisation de leur sexualité a fait l’objet de divers projets.

Brand dénonce la terreu...

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