Écho de presse

L’apparition des premières poupées gonflables

le 13/06/2021 par Priscille Lamure
le 08/04/2021 par Priscille Lamure - modifié le 13/06/2021
Illustration de face et de dos d'une poupée gonflable ou « dame de voyage », circa 1870 - source : WikiCommons
Illustration de face et de dos d'une poupée gonflable ou « dame de voyage », circa 1870 - source : WikiCommons

Les premières poupées gonflables à vocation sexuelle apparaissent dans la France de la Belle Époque. Vite, elles éveillent consternations et hilarité.

Dès le XVIIe siècle, les marins hollandais qui restaient des mois durant en pleine mer avaient coutume, pour pallier l’absence de femmes à bord du navire, de fabriquer des poupées grandeur nature à partir de bouts de chiffons rapiécés. Ces simulacres de femmes étaient appelés « dames de voyage » ou « dutch wives », et tenaient compagnie aux marins esseulés pendant leurs longues traversées.

À la fin du XIXe siècle, grâce à l’invention du caoutchouc vulcanisé, on vit peu à peu apparaître dans la France de la Belle Époque des poupées à gonfler féminines commercialisées à destination des adultes.

Ces « femmes artificielles », dotées de cheveux, étaient alors vendues au marché noir à des prix exorbitants. C’est notamment à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris en 1900 que les premiers modèles de poupées de caoutchouc furent proposés aux riches visiteurs par certains camelots parisiens. Ces derniers étaient alors traqués avec vigueur par la police pour vente d’objets à caractère pornographique et pour atteinte aux bonnes mœurs.

Lors de son procès pour vente d’images lubriques, le célèbre camelot Napoléon Hayard (Léon Hayard, de son vrai nom), connu des Parisiens sous le nom d’« Empereur des camelots », profita de ces histoires de femmes en caoutchouc pour narguer la police, qui peinait à traquer les vendeurs au coin des rues.

Un article du journal La Justice, rapporte ainsi, en octobre 1900, que Napoléon Hayard aurait affirmé, pour provoquer l’ire de la police et l’hilarité de l’assemblée :

« [Il] avait été prié par un agent de la préfecture de lui procurer une femme en caoutchouc mais “le prix seul de cet accessoire bizarre (3 000 francs) lui fit refuser la livraison”. »

 

Ainsi, au début des années 1900, des prospectus publicitaires pour ces femmes d’appoint sont distribués à la sauvette dans tout Paris. En 1902, un rédacteur du quotidien Gil Blas rapporte le cas d’un camelot distribuant sur les boulevards des « prospectus annonçant la vente de femmes en caoutchouc au prix de 2 000 francs ». Avec un succès tout relatif, certes.

« Le style particulier de ce prospectus a attiré l’attention du parquet, qui a poursuivi pour “outrages aux bonnes mœurs” le camelot devant la neuvième chambre correctionnelle. »

Le camelot fut condamné à trois mois de prison.

 

Dans tous les journaux, on s’amuse beaucoup de ces affaires de femmes artificielles, objets de nombreux fantasmes. Le journal L’Intransigeant, par exemple, relate en janvier 1902 l’histoire d’un industriel s’étant lancé dans la confection de ces fameuses poupées en caoutchouc, espérant faire prospérer ses affaires :

« Vous lui envoyez la photographie de vos rêves, vous y joignez deux ou trois mille francs, et quelque temps après, dans une superbe boite, vous recevez, grandeur nature et absolument nature, une femme en caoutchouc ressemblant traits pour traits à la photographie envoyée.

Et vous voilà possesseur d’une épouse aussi charmante et docile qu’éminemment fidèle : le bonheur, quoi !... »

Le rédacteur, stimulé par le grotesque de l’histoire, finit tout de même par préciser que le fabricant fut lui aussi condamné « à trois mois de prison, avec sursis, et 2 000 francs d’amende – juste le prix d’une de ces femmes en caoutchouc, faciles à suivre, même en voyage ».

Le sujet est sur toutes les lèvres, à ce point que même le journal satirique Le Rire,  très grand public, s’en sert en mars 1910 pour ébaucher une histoire drôle. Celle-ci concerne une femme demandant le divorce et accusant son mari de l’avoir trompée avec une femme en caoutchouc. Le journal rapporte en sus le soi-disant contenu du prospectus, qui aurait poussé le mari à l’achat :

« Dames de voyages en caoutchouc, complètes, blondes ou brunes au choix. Prix net : 55 francs. N.-B. – avec palpitations intérieures : 75 francs ! »

Au cours des années 1900, de nouvelles poupées à gonfler féminines – mais aussi masculines – de plus en plus réalistes au fil du temps, seront fabriquées en France et en Europe. On verra même apparaître des modèles très élaborés dans lesquels  toutes sortes d’options – fluides corporels, notamment – seront incluses.