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1935 : rencontre avec Anatole Deibler, bourreau

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M. Anatole Deibler prend passage sur le « Général-Bonaparte », 12 avril 1934, Le Petit Provençal - source : RetroNews-BnF

Anatole Deibler incarne la figure du bourreau moderne. Célèbre pour sa carrière, longue et prolifique (« 400 têtes » !), il est une figure médiatique incontestable. En 1935, Paris-Soir publie un reportage sur le quotidien du bourreau, son travail, et sa petite vie de famille.

« Monsieur de Paris », « Bourgeois du Point-du-Jour », nombreux sont les surnoms qu’a connu le célèbre exécuteur Anatole Deibler. Issu d’une longue lignée de bourreaux, il fascine et s'impose dans l'entre-deux-guerres comme une véritable incarnation de la peine de mort en France. Il « est » la guillotine.

Le 18 avril 1935, Paris-Soir publie « Un mois chez Monsieur de Paris, exécuteur des hautes œuvres », de Jean-Paul Bouguennec. Le journaliste, accueilli chez Deibler, y dresse son portrait, entre modeste travailleur bien contraint de gagner sa vie et innocent petit bourgeois. Décrivant la banalité de son métier, sa vie quotidienne et sa famille, ce récit participe à la construction de Deibler en tant que personnage médiatique à part entière. Mais ce qui se joue réside dans les allusions à demi-mot et les silences. 

Notre collaborateur Jean-Paul Bouguennec a loué une chambre, rue Claude-Terrasse. Là-bas, il est un étudiant de province et son propriétaire, un brave homme qui ne parle jamais de son métier et vit comme un bourgeois paisible parmi les siens : c'est Monsieur de Paris, Anatole Deibler, exécuteur des hautes œuvres.

***

Je guette Deibler.

Un jour il sort, tout seul. Je le suis. Je le rejoins. Banalités. Nous marchons ensemble. Il va jusqu'à la porte de Saint-Cloud et moi aussi, comme par hasard. Nous devisons. Il a un pli à la main, un pli scellé aux armes de la République.

– Bonnes nouvelles ?

Il a un sourire énigmatique.

– Oui et non, dit-il. Du travail...

Cela il le murmure.

– Du travail, à votre âge ?

– Ça occupe. Et puis, la vie est tellement difficile. Les actions ont baissé. Rien ne tient. Il faut de l'argent, pourtant. Il en faut.

Nous entrons tous deux dans un bar de la porte de Saint-Cloud.

– Je ne bois plus que de l'eau minérale, me confesse M. de Paris. Il fut un temps où j'aimais bien, moi aussi, prendre l'apéritif. Mais à mon âge, on se demande pourquoi on n'est pas encore crevé. Et on tient à la vie. On se cramponne quoi... et on boit de l'eau de Vittel.

Notre entretien se poursuit, paisible, dans le c...

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