Interview

De Chanel à la « garçonne », une histoire de la mode pendant les Années folles

le par

Présentation de la nouvelle collection prêt-à-porter Chanel, The Chicago Tribune, 1928 - source : RetroNews-BnF

À l'image de la soif de vivre qui s'empare de la France de l'après-guerre, la mode des années 1920 est marquée par une débauche d'énergie créatrice, dont les retombées seront visibles tout au long du XXe siècle. Nous en discutons avec l'historienne de la mode Florence Müller.

Au milieu de l'afflux hédoniste et intellectuel des Années folles, la mode féminine a elle aussi vécu une révolution, s'ouvrant à de nouvelles conceptions et renouvelant les limites de « l'acceptable » en termes vestimentaires : nouvelles coupes, nouveaux tissus et coupes de cheveux jugées autrefois excentriques.

Mais tout en accompagnant les désirs d'émancipation des femmes, la mode a créé paradoxalement de nouvelles injonctions, souvent aussi pénibles que celles qu'elles étaient censées effacer : devoir d'être « mince », « jeune », d'« avoir de belles jambes », etc. En ce sens, les années vingt ont largement ouvert la voie à des diktats féminins encore bien intégrés à la société un siècle plus tard.

Propos recueillis par Marina Bellot.

RetroNews : Dans la France de l’après-Première Guerre, la mode reflète-t-elle le désir de liberté de la société des « Années folles » ? Est-ce, de fait, une décennie de folle créativité comme on a coutume de le penser ? 

Florence Müller : Oui, je ne pense pas qu’il faille réviser cette vision un peu caricaturale ! La folie de la danse qui apparaît dans les années 1920 le révèle clairement, avec ce désir de sortir et l’essor de lieux où l’on danse toutes les danses modernes, qui rompent totalement avec la tradition de la danse de salon, beaucoup plus calme. Ces danses très énergiques représentent l'esprit de cet après-guerre, et la soif de bonheur, de joie, d’être joyeux, heureux, et le désir de célébrer la vie. 

Ces nouvelles danses, surtout le charleston, exigent de nouveaux types de vêtements. Il faut des robes un peu amples, courtes, qui permettent de bouger les jambes dans tous les sens. Quand j’ai retrouvé la garde-robe de mes grands-mères, après leur mort, j’ai découvert une proportion très élevée de robes du soir ! Des robes à danser, richement brodées, avec des couleurs fortes et beaucoup de paillettes, très souvent ornées de frange – parce que la frange virevolte…

Les créateurs des années 1920 ont-ils accompagné, voire, devancé les envies d’émancipation des femmes de cette époque ?

Oui, la mode l’accompagne et l’exprime complètement. Il faut rappeler ...

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