Écho de presse

L'épilogue de l'affaire Hanau (2/2)

le 29/05/2018 par Marina Bellot
le 04/03/2017 par Marina Bellot - modifié le 29/05/2018
L'Humanité du 9/12/1928 - Source : BnF RetroNews

La "banquière des années folles" est condamnée à deux ans de prison en 1931, alors que les premiers effets de la crise économique et boursière se font sentir en France.

Fin 1928, un scandale financier a secoué la France et a éclaboussé le monde politique : l'affaire Hanau, du nom de la principale protagoniste, Marthe Hanau.

En mars 1930, l’instruction se termine après quinze mois d'enquête. Le contexte financier a changé. Les effets de la crise économique et financière de 1929 commencent à se faire sentir. Les premières faillites de banque ont fait scandale.

Marthe Hanau est renvoyée devant le tribunal correctionnel sous l'inculpation d'escroquerie, tentative d'escroquerie et abus de confiance. Les charges sont lourdes. Le procès s’ouvre le 30 octobre 1930. L’Humanité, qui a suivi de près l'affaire depuis ses débuts, commente :

"On reproche à Marthe Hanau, entre autres, la création d'un groupe de sociétés fictives destinées à donner le change au public en lui faisant croire qu'il se trouvait en présence d'organismes financiers autonomes, alors qu'en réalité il s'agissait d'un simulacre de sociétés dont Marthe Hanau et Lazare Bloch [son ex-mari et partenaire d'affaire] étaient les seuls dirigeants. On lui reproche la distribution de dividendes fictifs. Le réquisitoire incrimine le démarchage et la publicité, et notamment la propagande par la Gazette du Franc [...]

Démarchage et publicité utilisaient des arguments mensongers, par exemple en présentant le journal la Gazette du Franc comme une entreprise désintéressée, patronnée par de puissantes personnalités politiques. On sait que la Gazette s'était assurée la collaboration de chefs d'État, de ministres, en liaison étroite avec la société des Nations à Genève en vue de créer une équivoque destinée à montrer au public que le crédit politique dont disposait le journal s'étendait à la banque."

De l'autre côté de l'échiquier, le quotidien d'extrême droite L'Action française n'est pas moins dur envers celle qu'il surnomme avec mépris "la mère Hanau".

Le 29 mars 1931, le verdict tombe : Marthe Hanau est condamnée à deux ans de prison ferme.

L'Humanité dénonce le laxisme de la justice, pointant la collusion des juges avec le monde politique :

"Ce procès à grand spectacle qui tint l'opinion en haleine pendant de longs mois s'est terminé par une simple condamnation à 2 ans de prison pour la principale inculpée et 18 mois pour Lazare Bloch, son principal complice. Une fois de plus, la montagne a accouché d'une souris. Nos camarades ouvriers sont parfois, pour un simple article de journal, condamnés à des peines de trois et de cinq ans de prison. Mais il est normal qu'un esprit de classe anime la magistrature. [...]

Par dizaines, les politiciens furent compromis dans l'affaire de la Gazette du Franc. Pas un n'est inquiété !

En attendant, les honnêtes militants révolutionnaires sont lourdement condamnés pour leur action au service du prolétariat. C'est le régime."

En juillet 1934, la cour d’appel alourdit la peine à trois ans de prison. Le 14 juillet 1935, Marthe Hanau se suicide dans sa cellule de la prison de Fresnes en avalant un tube de Véronal, de puissants barbituriques, en laissant ces mots : "J'ai la nausée de cet argent qui m'écrasa".

Epilogue d'un scandale hors du commun, qui inspirera notamment le réalisateur Francis Girod pour son film La Banquière, avec Romy Schneider, sorti en 1981. 

Retrouvez le premier volet consacré à l'affaire Hanau.