Écho de presse

Jacques Rigaut, dadaïste flamboyant et suicidaire

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Devant l'entrée de l'exposition Max Ernst à Paris, Jacques Rigault la tête à l'envers avec, entre autres, André Breton et Philippe Soupault, 1921 - source : WikiCommons

L'un des premiers dadaïstes français, dandy fêtard et désabusé, Jacques Rigaut s'est suicidé le 6 novembre 1929, à l'âge de 30 ans. Dans la presse, quelques-uns vont tenter d'expliquer le geste de celui qui inspire à Drieu La Rochelle, en 1931, le célèbre Feu follet.

L'article date du 7 mai 1921. « La saison Dada est ouverte », annonce Comœdia, qui narre le « vernissage mouvementé » d'une exposition du peintre Max Ernst dans une petite salle de l'avenue Kléber. Y assistent Tristan Tzara, le fondateur du mouvement à Zurich en 1915, et ses épigones parisiens, André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault, ainsi que le jeune Jacques Rigaut, qui, sur la photo, apparaît... la tête en bas.

« Il faut reconnaître que le public s'est pressé plus nombreux que jamais au rendez-vous que lui avaient fixé les dadaïstes.

Lundi soir, la petite salle du Sans-Pareil, situé avenue Kléber, regorgeait de monde. Il s'agissait de nous faire goûter “une nouvelle représentation du monde”, car décidément ces jeunes gens ne doutent de rien. Les œuvres du peintre Max Ernst devaient faire les frais de l'aventure. On nous avait dit qu'elles étaient à la peinture ce que le cinéma est à la photographie ! [...]

Les Dadas, sans cravate et gantés de blanc, passaient et repassaient – André Breton croquait des allumettes, [...] Aragon miaulait, Philippe Soupault jouait à cache-cache avec Tristan Tzara, tandis que Benjamin Peret et Chachourne se serraient la main à chaque instant.

Sur le seuil, Jacques Rigaut comptait à voix haute les automobiles et les perles des visiteuses. »

Au sein de cette génération de jeunes gens qui ont connu l'enfer des tranchées, et d'où furent issues des personnalités aussi diverses que Pierre Drieu La Rochelle ou Louis Aragon, Jacques Rigaut fut l'un des plus radicaux et des plus avant-gardistes – des plus élégants, aussi.

Dans sa biographie très complète parue en octobre 2019, Jacques Rigaut, le suicidé magnifique, Jean-Luc Bitton retrace le destin de celui qui, par son humour absurde et sa sensibilité désabusée, fut volontiers décrit comme « dada avant Dada ». Né en 1898 à Paris, dans un milieu petit-bourgeois, Rigaut se porte engagé volontaire en décembre 1916 et part au front en 1918. Il restera sous les drapeaux jusqu'à la démobilisation, en 1919.

Après la guerre, il fréquente les milieux littéraires de la capitale, où son charisme, son humour et son audace lui valent d'intégrer le cercle des dadaïstes. Il publie un premier article, Propos amorphes, en 1920. D'autres textes vont suivre par brefs à-coups, notamment dans la revue Littérature, fondée en 1919 par Breton et Soupault. Y transparaissent, sous un humour volontiers cynique et une nonchalance pleine de séduction, un refus – ou une incapacité – de croire en qu...

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