Extrait du journal

L’AMOUR ET_LA HAINE Que de discours ! C’est effrayant ce qu’il se consomme d’éloquence politique, chaque dimanche. Que de fêtes, que de réunions, que de banquets ! Il n’y en a que pour les restaurateurs et les sténo graphes Encore ceux-ci se plaignent-ils, car il est tels garçons de restaurant qui vous reconstituent un discours aussi bien que le plus décoré des professeurs. Encore une question à examiner devant le prochain congrès de sténographie. De tous les discours prononcés, di manche dernier, il en est qui furent quel conques, et d’autres qui furent très bien. On ne saurait trop insister, notamment, sur le caractère et la portée de la ma nifestation qui se déroula dans les murs de Nancy. Le maire, M. Beauchet, élu avec tout son conseil sur un programme d’opposition ; le préfet, M. Humbert, sur les opinions duquel il est inutile d’insis ter; MM. Casimir-Périer, Millerand et Mézières se trouvèrent réunis en un banquet, après avoir parlé dans une réunion qui ne comprenait pas moins de 3,000 personnes. Tous ces hommes ap partenant aux partis politiques les plus divers, pour ne pas dire les plus opposés, tombèrent d’accord pour préconiser « l’union dans l’amour du peuple » et exprimèrent leur joie de voir « l’armée et la population lorraine si unies dans l’amour commun de la patrie ». L’amour du peuple et l’amour de la patrie, voilà qui jure avec le déborde ment de haines entretenues avec un soin si jaloux, exploitées avec une perfidie si habile au cours de la période que nous venons de traverser. C’est même chose assez inexplicable qu’à une époque où l’on célèbre de tous côtés la fraternité et la solidarité, les antipathies et les haines entre enfants d’un même pays aient pris un tel ascendant. La haine a été glori fiée, la haine a été érigée en système. On a entendu, de divers côtés, faire appel à la « haine créatrice » à la « haine féconde ». Paradoxale et immorale alliance de mots ! Car, dans l’ordre mo ral et dans l’ordre social comme dans l’ordre naturel, la haine est stérile; l’amour seul est fécond. Et si l’on veut toute notre pensée, nous n’éprouvons aucun embarras à avouer que, dans tous les partis, quels qu’ils soient, on trouve à dose plus ou moins forte le même venin, le même fiel, les mêmes raisonnements, les mêmes sophismes, les mêmes doléances, les mêmes procédés de polémiques. Ce sont des mixtures analogues, composées des mêmes ingrédients en proportion in verse. C’est pour nous affranchir de ces doc trines néfastes que MM. Casimir Périer et Millerand se sont rendus dimanche dernier à Nancy. Ils nous ont proposé de...